Une belle touche de bleu dans un
ciel bien sombre, désespérément gris.
De beaux discours au ton évangélique, de vrais appels
à faire éclore toute la beauté dont nous sommes
capables.
La campagne électorale présidentielle vient de s’achever
sur de beaux rêves messianiques qui peuvent laisser…perplexes.
Elle fut passionnante et permit à beaucoup de renouer avec
la geste démocratique : vote massif, débats participatifs,
meetings populaires.
Du jamais vu pour de nombreux jeunes français : une fête
et une chance pour notre conscience politique!
On le sait, la constitution de la 5ème République, avec
notamment l’élection du président au suffrage universel,
nourrit l’attente de cet être providentiel, et ravive chaque
fois le désir ardent de solutions définitives, de réponses
efficaces.
Le politique lui-même apparaît alors comme cette puissance
créatrice, démiurgique, ce sésame d’un nouveau
monde où tout est remis en ordre juste, où, ensemble,
tout est cru comme possible (même le pire…).
Ce rêve de sauveur serait-il d’autant plus vif, que notre
monde serait en tous points désespéré ?
Serait-il le symptôme d’un monde qui ne s’aime plus,
désenchanté de lui-même et qui ne se fait plus confiance
?
Cette attente messianique serait-elle nécessaire à toute
vie sociale, afin que celle-ci reste tendue vers un but et un horizon
qui la dépasse ?
Cette quête d’un héros qui puisse faire ce qu’il
dit, qui rassure et invite au rêve, serait-elle une sorte de revanche
du religieux ?
Et pourtant : « À Dieu seul la gloire ! » Parce
qu’il y a un Dieu, il n’y ni plus ni dieux ni maîtres.
Le cri de nos vieux réformateurs nous arrache à toutes
nos rêveries.
Sa grande vertu est d’inscrire la politique dans ses limites
propres ; là même où elle est absolument nécessaire.
Non dans le rêve de l’impossible qui, tel un opium du peuple,
nous endort, mais dans la recherche lucide et sans démagogie
des conditions d’un vivre ensemble et dans la mise en œuvre
de vraies solidarités. 
Raphaël
Picon