J’ai, dans la vie,
un certain nombre de passions, dont la théologie et la politique.
Mais aujourd’hui -je m’y ennuie. Dans les débats pré-électoraux
censés donner les grandes orientations pour la société,
on discute chiffres et non plus idées. La dernière
idéologie à la mode c’est qu’il n’y a plus
d’idéologie ! Dans mon enfance, je me souviens m’être
battu avec d’autres enfants parce que leurs parents ne votaient
pas comme les miens. Ridicule ? Certainement, mais tellement moins que
la mollesse actuelle. Sans idées, plus de débats ; sans
débat, on donne le pouvoir à Mammon.

Honoré Daumier : "Une séance
de l'Union électorale"
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Il en va de même dans nos débats d’Églises.
On y confond la réflexion et l’organisation, la théologie
et la cuisine… Et si jamais on ose une posture théologique
un peu claire, on est taxé de rétrograde. Les débats
entre libéraux et orthodoxes, c’est du passé, paraît-il…
Aujourd’hui (et je l’ai entendu), on a une théologie
« biblique ». Cela est une double insulte : les grands théologiens
auraient-ils oublié la Bible ? La Bible est-elle un ouvrage si
fade que ne s’en dégagerait qu’une seule théologie
? Et qui serait alors habilité à dire quelle est cette
théologie ? Là encore, sous couvert d’un certain
pragma-tisme, on érige un magistère d’autocensure,
un magistère du théologiquement correct, qui masque en
réalité une vraie pauvreté théologique.
Il paraît que mon Église a la réputation d’être
« intellectuelle ». Comme j’aimerais que cela soit
vrai ! Mieux encore, on veut revenir à un rôle prophétique
de l’Église ; j’applaudis des deux mains. Mais on a
l’impression d’être courageux quand on se contente de
critiquer négativement les politiques au pouvoir. Ce faisant,
on est parfaitement à la mode. Ouvrez n’importe quel journal
(hormis Evangile et liberté, bien sûr,…) et vous y
découvrirez à chaque fois de longs articles dégoulinant
de critiques faciles, à la limite du poujadisme.
Où est aujourd’hui
notre force prophétique de proposition ? Quelle vision globale
de la société pouvons-nous oser ? Quelle parole courageuse
avons-nous ? Nous nous approcherons un peu plus de la Vérité
lorsque nous rentrerons dans un véritable « conflit des
interprétations », selon la formule de Ricœur. Encore
faut-il que nous osions des interprétations. Ce sera l’objet
des billets à venir… 
Jean-Marie
de Bourqueney