Depuis quelques mois,
je participe à une pastorale d’inspiration libérale.
D’une certaine manière cela m’étonne et, pourtant,
je vois dans cette démarche avant tout une continuité.
Depuis longtemps, je m’interroge sur le langage. À la base
d’une langue, il y a des mots, mais les mots changent de sens au
fil des siècles et même durant notre courte existence.
Faut-il redire les mêmes mots pour exprimer le même message,
la même pensée ? Il apparaît que c’est plutôt
le contraire !
Le mot libéral n’échappe pas à
cette usure. Au XIXe siècle, il avait aussi un sens politique
: les libéraux s’opposaient au conservatisme autoritaire.
Quel rapport pouvait-on alors déceler entre le libéralisme
politique et le libéralisme théologique ? Aujourd’hui,
la relation avec le vocabulaire politique est différente : dans
un monde dominé par l’économie, le libéralisme
est avant tout un système économique, une doctrine, pour
ne pas dire un dogme auquel tous sont sommés de se soumettre,
au nom d’une évidence auto-révélée.
Qu’entend-on, alors, quand on parle de libéralisme dans
le domaine théologique ?
Au-delà des mots et des étiquettes, je
suis heureux de rencontrer des amis qui se présentent comme libéraux
et qui ne me demandent pas si je le suis moi-même. Peut-être
ne suis-je finalement pas assez libéral, puisque je continue
à employer des mots dont je sais bien quelles ambiguïtés
ils véhiculent, mais qui sont enracinés dans une histoire
qu’il n’est pas possible de rejeter. Ou bien trop libéral
pour accepter un libéralisme qui serait un parti, une tendance,
un courant ou, pire encore, une chapelle qui édicterait de nouvelles
règles et définirait à l’avance ce qu’il
est permis de dire ou de croire, les mots qu’il est permis d’employer
et ceux qui doivent être bannis de notre discours. 
Claude
Peuron