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Numéro 186 - Févier 2005
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Éloge d’une personne ou d’une parole ? Voilà ce qui est en cause dans ce texte. Il semblerait que les Églises n’en aient pas vraiment tiré toutes les conséquences !

Heureux ( Luc 11,27-28 )

Tandis que Jésus parlait, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le ventre qui t'a porté! Heureux les seins qui t'ont allaité! Et il répondi t: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent! (Luc 11:27-28)

Quel courage pour cette femme anonyme de défendre ainsi Jésus, pris à partie de toute part, au milieu d’une foule hostile. Surtout qu’à l’époque les femmes n’avaient pas trop le droit de s’exprimer en public.

Et puisqu’elle est femme, elle parle d’une autre femme, Marie, la mère de Jésus, et propose une béatitude supplémentaire : « Heureuse celle qui t’a porté et allaité ! » Elle souligne ainsi le bonheur de Marie, mais, ce faisant, elle rend indirectement hommage à Jésus, le produit de cette activité de femme ; à ce Jésus qui est en face d’elle, et qu’il faut soutenir, parce qu’il est attaqué par la foule.

Mais voilà que Jésus ne cherche pas à s’appuyer sur ce soutien inespéré, mais réplique. Il réplique toujours, tant il est rare qu’il soit d’accord avec son interlocuteur. Il devait être fatiguant à toujours reprendre celui qui lui parlait ! Il déplace la béatitude en en proposant une autre : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ! » Ce « plutôt » a fait l’objet de vives discussions. S’agit-il d’un enrichissement de la première béatitude ou d’une opposition plus marquée ? Suivant les sensibilités, protestante ou catholique, on ne répondra pas de la même manière.

Voyons quels sont les déplacements, les correctifs, proposés par Jésus, dans sa réplique.

Un premier déplacement réside dans le passage du singulier au pluriel. Ce n’est pas une seule personne qui est heureuse, mais tous ceux qui écoutent. Bonheur collectif dont a besoin cette foule ; bonheur ouvert sans limite sur la multitude. Un autre déplacement va du moi à l’autre. Jésus ne s’intéresse pas à son bonheur, ou à celui de sa mère, mais au bonheur de celui qui est en face de lui. On se déplace aussi de la chair à l’esprit. Cette femme parle des heureuses activités de la chair, certes nécessaires et louables, mais Jésus réplique que le vrai bonheur est dans l’exercice de la parole de Dieu ; c’est elle qui permet d’accéder à la vie spirituelle, à la vraie vie. Oserai-je dire que l’on se déplace aussi de la grâce vers les œuvres ? Car Marie a reçu une grâce et dans le fond elle n’est pour rien dans le choix de Dieu, sauf de l’avoir accepté. Mais ce n’est pas si difficile que cela : quelle femme refuserait d’être « visitée » par l’Esprit saint et de mettre au monde l’Oint de Dieu ? Tandis que ceux qui mettent en pratique la parole de Dieu et vivent selon son enseignement font de grands efforts par eux-mêmes. Ils s’engagent dans une vie de dévouement au service des autres qui n’est pas facile tous les jours.

Enfin le déplacement principal, celui qui résume tous les autres, est ce glissement d’une personne et de sa réalité physique à une parole qu’il faut écouter, protéger et observer. Le bonheur de Dieu se transmet par son verbe et non par une filiation ou une proximité familiale. Jésus oppose la proximité physique et la proximité d’idées et de sentiments. Une proximité aussi d’engagement parce que le verbe employé ici pour « observer » la parole de Dieu, est le même que celui utilisé pour observer la Loi, les commandements. Et remarquons que cette observance de la parole n’est pas recommandée ici par crainte de Dieu, ni pour gagner le ciel, mais simplement pour être heureux. Vous serez heureux si vous vous occupez des autres, si vous les aidez à guérir, à trouver de quoi manger, à s’intégrer dans la société. Bonheur de l’amour donné.

Dans sa réplique, Jésus a un réflexe d’humilité, d’effacement. Peu importe lui-même. Mais importe cette parole qui vient du fond de l’histoire du peuple juif, que Jésus a re-suscitée et qui est résumée dans l’amour du prochain comme de soi-même. Vous serez heureux lorsque vous aurez compris que cet amour est plus important que de me rendre hommage, à moi ou à ma mère. feuille

Henri Persoz

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