Depuis quelques mois, les journaux
italiens prétendent régulièrement que le problème
de la mafia est résolu. En effet, une permission de sortie
est accordée à lun des mafieux siciliens les plus
dangereux au motif quil a collaboré avec la police. Andreotti,
lancien Premier ministre et homme tout puissant de la Démocratie
chrétienne, a été blanchi de laccusation
damitiés mafieuses portée contre lui par la rumeur
publique depuis des dizaines dannées. Ou encore des commémorations
officielles dont les discours prétendent abusivement que la
page de la mafia est désormais tournée, comme celle,
lété dernier en mémoire de don Giuseppe
Pugliesi, le prêtre antimafia de la banlieue de Palerme assassiné
en1993.
Léditorialiste de «Riforma» (hebdomadaire
protestant italien) relevait, en octobre dernier, que si lon
parlait encore de la mafia, cétait comme de quelque chose
du passé: «En lisant les quotidiens locaux siciliens
on a limpression que la mafia aujourdhui nexiste
plus, quelle nagit plus [...] Falcone, Borsellino [juges
antimafia], La Torre [député], don Pugliesi sont les
martyrs dune guerre lointaine et les chefs mafieux Riina, Bagarella,
Santapaola sont vaincus et derrière les barreaux, écrivait
Francesco Sciotto. La mafia appartient au passé ou à
un présent lointain et impersonnel.»
Mais en réalité, rien na changé: les
rapports officiels comme celui que la DIA (Direction dinvestigation
antimafia) a présenté au Parlement pour le premier semes-tre2004
pointent du doigt les nombreux dysfonctionnements dus à lorganisation
criminelle dans le domaine économique et social. Dailleurs
la peur diffuse dans la population et le nombre des assassinats le
montrent à lévidence.
Émotion, sang à la une dans la presse et à
la télévision: depuis cet été, la guerre
des clans de la camorra a repris à Naples, faisant plus de
trente morts en deux mois, dont une adolescente tuée dans une
fusillade en pleine rue.
Il faut savoir que dans la région de Naples, 66% des jeunes
entre16 et 18ans sont déjà fichés par la police
pour des délits mafieux et lon évalue à5000
le nombre daffidés de la ndrangheta (mafia calabraise)
sur les 500000habitants de Reggio di Calabria, 4000pour Naples et
ses banlieues. Le Mezzogiorno détient dailleurs, avec
58,4%, le record européen de chômage des jeunes.
Que faire devant une telle situation? Prier sainte Rosalie, patronne
de Palerme, de débarrasser sa ville de la mafia, comme les
petites affiches collées aux quatre coins de la ville len
priaient cet été?
Tenter une dénonciation publique de la malavita et de sa
culture de mort, comme la fait en janvier le président
de la République italienne Carlo Ciampi en venant visiter,
accompagné de sa femme, les quartiers-dortoir désolés
de Naples où la camorra règne et tue et sentretue
(134morts violentes en2004) pour y déclarer solennellement
que «la camorra est un chancre quil faut extirper»?
Que peuvent faire les Églises devant pareille situation,
se demande Riforma. Promouvoir «léducation à
la légalité», prendre en compte cette situation
quotidienne dans la prédication du dimanche, prier, continuer
à témoigner dans tous ces petits projets qui proposent
aux citoyens une participation active à la vie de la cité.
Cest ainsi que des pasteurs vaudois, baptistes et méthodistes
et des diacres de Sicile viennent de lancer un appel intitulé:
«Nous disons non à la paix mafieuse.»
«Dans notre quotidien pastoral et diaconal, nous ressentons
le poids du pouvoir mafieux sur les Siciliens écrasés
par le pizzo [racket des entreprises], la peur, labsence de
travail et de développement économique. Pour ces raisons
nous voulons que lon dénonce inlassablement dans les
villes et leurs banlieues la mafia et sa radicalisation. Informer
les Siciliens et le pays sur la criminalité organisée
signifie aussi évoquer tous ceux qui ont lutté et luttent
contre le pouvoir mafieux. Se taire équivaudrait à laisser
dans lisolement tous ceux qui luttent. Parler et dénoncer
est la vocation qui nous vient du prophète Ezéchiel:
«Supposons que la sentinelle voie venir larmée
ennemie et ne sonne pas lalarme, lennemi surprendra et
massacrera. La faute en reviendrait à la sentinelle, cest
elle qui serait tenue pour responsable.»
Nous prions afin que le Seigneur nous aide tous, chrétiens
et croyants dautres religions, croyants et non croyants, à
nous libérer du fléau de la mafia.