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Numéro 187 - Mars 2005
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Les éditions de La Cause viennent de republier Foi et vérité, l’importante «dogmatique protestante» d’Auguste Lemaître (1887-1970), précédée d’une préface d’Henry Babel et d’une introduction d’André Gounelle. Bernard Reymond met ici en évidence quelques aspects dominants de la pensée et de l’attitude de ce théologien qui enseigna à la Faculté de théologie protestante de Genève.

«Foi et vérité» une dogmatique libérale

Que le sous-titre de dogmatique protestante ne prête pas à équivoque» remarquait Bernard Morel lors de sa parution en 1954;

«Foi et vérité aborde tous les problèmes essentiels de la théologie dogmatique, mais sans la prétention d’imposer dogmatiquement (normativement) ses conclusions. Son auteur est un chercheur trop indépendant et un chrétien trop modeste pour se prévaloir d’une autorité qui, au surplus, est in-concevable dans une Église à laquelle n’appartient rien d’institutionnel.» Lemaître lui-même a d’ailleurs averti d’emblée ses lecteurs: «Je n’ai jamais prétendu à une originalité de pensée qui m’eût permis d’intervenir avec une autorité particulière dans les débats théologiques contemporains. Désireux de communiquer à mes chers étudiants un esprit plutôt que de leur proposer un système, je me suis souvent demandé jusqu’à quel point un dogmaticien avait le devoir d’innover. Il rend témoignage à une vérité qu’il n’a pas à réinventer.» Mo-destie, honnêteté: Lemaître n’a jamais cherché ni à s’imposer ni à se faire valoir – encore moins à se profiler, comme on dirait aujourd’hui.

Cette discrétion est justement ce qui, plus d’un demi-siècle plus tard, rend si intéressante la relecture de sa dogmatique. Une dogmatique est en effet toujours située dans l’espace et dans le temps, tributaire d’une tradition confessionnelle donnée, conditionnée par l’horizon culturel sur lequel elle se déploie. En langage actuel: toute théologie est marquée par son historicité et sa contex-tualité. Mais cela ne la dispense pas d’être courageuse, et celle de Lemaître l’est indubitablement. Elle n’hésite pas à proposer d’importants rééquilibrages doctrinaux, voire à révoquer en doute des expressions doctrinales que l’on pouvait tenir pour acquises. Les seules vérités importantes sont celles qui, allant directement au cœur de la foi chrétienne, sont simultanément en relation étroite avec l’expérience concrète des croyants – une expérience qui peut être de foi ou de doute. «Le protestantisme a raison de dire que rien de juridique, d’institutionnel, de hiérarchique n’appartient à l’essence de l’Église», car «l’Église est partout où fleurit la foi en l’Évangile.»Auguste Lemaître aimait se qualifier lui-même de théologien de l’expérience. Cette expression apparaît dans toute sa portée dans des propos qu’il tient en 1928 concernant Karl Barth: «Une théologie qui commence par nier toute trace de la réalité divine dans la conscience ne peut connaître Dieu en Christ que par une démarche purement arbitraire… Voici la rançon d’une théologie de la pure transcendance: Dieu est si loin qu’il faut entre lui et moi l’intermédiaire d’une autorité qui s’impose par elle-même en-dehors de toute justification morale et intellectuelle […] Sans aucun doute la solution la plus parfaite serait d’introduire ici le magistère divin d’une Église infaillible.» Simultanément, Lemaître énonçait ainsi la filiation théologique dans laquelle il se situait: «La théologie protestante du XIXe siècle […] s’est moins occupée de sonder les profondeurs mystérieuses [du] Dieu caché, [de] Dieu en soi, que de se demander, en s’appuyant sur la psychologie et l’histoire, sur l’Écriture et la conscience, ce qu’est Dieu pour nous et en nous. Désireux de développer une théo-logie qui s’élève avec sagesse du connu à l’inconnu, les penseurs de l’école de Schleier-macher ont fait de la description des états d’âme du chrétien la partie centrale de leur doctrine […] De tous côtés […] on a insisté sur la religion vécue, sur l’expérience intérieure: on a cherché Dieu dans l’âme humaine.»

La Dogmatique de Lemaître se situe dans la même perspective. feuille

 

Bernard Reymond

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