
Numéro 188 - Avril 2005
( sommaire
)
Regarder, Écouter, Lire
Lire : Les Unitariens
Au départ, les unitariens
sont des chrétiens antitrinitaires, mais aujourd’hui on
a singulièrement élargi le sens de ce mot pour l’appliquer
à une spiritualité d’ouverture qui n’a parfois
plus grand lien avec le christianisme. Ce livre entend en donner une
présentation d’ensemble. S’il fourmille de renseignements
et contient des pages intéressantes, parfois inattendues (ainsi
sur les théophilanthropes), il veut trop dire en trop peu de
place, ce qui entraîne des raccourcis et des approximations,
voire des erreurs regrettables (par exemple quand il dit, p.110, que
les protestants refusent les œuvres) et n’empêche
pas les manques (pas un mot sur l’I.A.R.F., ou sur James Luther
Adams). À utiliser avec précaution. 
André Gounelle
Michel Baron, Les unitariens, L’Harmattan, 2004, 14,50 €.
ISBN 2-7475-7176-9.
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Lire : Liberté sexuelle
Dans la foulée des conférences
de l’Étoile à Paris, voici un livre utile. À
elle seule, la présence des quatre auteurs est un gage de points
de vue à la fois divers et complémentaires. L’ensemble
des interventions constitue une approche nuancée et interpel-lante
; A. Houziaux (pasteur), C. Olivier (psychanalyste), O. Vallet (historien
des religions) et I. Yhuel (journaliste) sont en effet les auteurs
de ce petit livre tout à fait suggestif. 
L. Gagnebin
Collectif, La liberté sexuelle, jusqu’où ?.
Ed de l’Atelier, 2005, 10 €
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Lire : Jonas, ou l’oiseau de malheur
L’histoire
de Jonas se trouve parmi les petits prophètes de la Bible:
elle ressemble en fait plus à un conte qu’aux autres li-vres
prophétiques. Plus qu’un véritable commentaire
serrant le texte ligne à ligne, Jean Alexandre signe dans ce
petit livre des variations pleines de poésies et d’érudition
à propos de Jonas, et de la colombe (c’est ce que signifie
le mot de « Jonas » en hébreu).
Loin donc des commentaires scolaires et desséchants, le Jonas
de Jean Alexandre fait chanter le texte, il nous fait entrer dans
l’âme même du texte et de la pensée juive
en général. En fait, ce livre dépasse très
largement le prétexte qui lui sert de base, et nous offre des
réflexions intéressantes et assez originales sur le
mode d’écriture et d’expression des récits
bibliques, sur la traduction, sur le nom de Dieu, etc.
C’est là une science bien utilisée (Jean Alexandre,
pasteur, hébraïsant et poète a contribué
à la traduction œcuménique liturgique des psaumes).
Et loin d’ennuyer ou d’écraser le lecteur, et d’exclure
celui qui ne serait pas si savant, sa connaissance de l’hébreu
permet tout simplement à celui qui entre dans ce livre de découvrir
des horizons et des profondeurs dans les textes qu’il ne pouvait
pas soupçonner. 
Louis Pernot
Jean Alexandre, Jonas, ou l’oiseau du malheur – Variations
bibliques sur un thème narratif, L’Harmattan, 2004,
164 pages, 14,70€
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Lire : En chemin avec Paul Tillich
Paul
Tillich est ce grand théologien qui a tant marqué la
théologie protestante, sorte de Thomas d’Aquin de la pensée
libérale protestante. Allemand d’origine, il émigra
en Amérique à cause du nazisme, et resta là-bas,
publiant beaucoup de son œuvre en anglais. Sa pensée est
incontournable et toujours féconde, tant par son grand œuvre
qui est la Théologie Systématique que par sa Théologie
de la culture ou par ses autres ouvrages, et même ses sermons
qui restent éblouissants. Son œuvre n’est malheureusement
pas toujours d’un accès facile. Il faut avoir une certaine
habitude du langage philosophique dont il s’inspire pour pouvoir
la lire.
André Gounelle et Bernard Reymond nous livrent là
une partie de leurs travaux sur Tillich et son œuvre. Tous deux
professeurs de théologie protestante, l’un à Montpellier,
et l’autre à Lausanne, ils n’ont cessé d’expliquer
et de transmettre la pensée de ce grand théologien.
Leurs contributions se complètent merveilleusement, et nous
avons ainsi une approche riche et complète de cette pensée
fondamentale pour nous. Les différents chapitres proposent
des regards très différents : Les thèmes tillichiens
; Tillich comparé à d’autres penseurs ou théologiens
; Face au nazisme ; La culture et les arts.
Certes, il ne s’agit quand même pas de vulgarisation,
et la valeur de l’ensemble se paye par un niveau de lecture somme
toute universitaire. 
Louis Pernot
André Gounelle et Bernard Reymond, En chemin avec Paul
Tillich, Tillich Studien Band12 LIT, 231 pages
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Cinéma : Deux instants d’éternité
Un film, c’est comme un long
fleuve… et pas toujours tranquille ! Et comme on ne se baigne
jamais deux fois dans le même fleuve, que reste-t-il de nos
impressions rétiniennes ou des propos des protagonistes ? Mais
il est parfois des instants de grâce, qui à eux seuls
valent plus qu’un long discours ou une superbe contre-plongée.
Ainsi dans Brodeuses, récemment
projeté sur nos écrans. Claire, 17 ans, est enceinte
« de hasard ». Elle ne veut pas de cet enfant, partagée
entre la tentation de l’avortement et celle de l’accouchement
sous X. Madame Melikian, brodeuse dans la haute couture, vient de
perdre son fils dans un accident de moto. Les circonstances rapprochent
ces deux êtres : celle qui rejette le cadeau de la vie et celle
qui n’en finit pas de cicatriser de l’amputation d’une
vie qui lui a été ravie. Claire va travailler avec la
mère éplorée et au bord du suicide. Méfiance,
rancœurs, à la limite permanente du conflit, jusqu’au
moment où (peu importe la futilité ou non du motif),
le visage de toutes deux s’éclaire d’un sourire lumineux
et partagé, leur premier sourire échangé : instant
de grâce où tout bascule dans le film. Mais, comme cet
instant fut long à venir !
Changement de décor : voici Un
long dimanche de fiançailles, évocation impitoyable
des massacres de cette guerre qui devait être « la der
des der ». Nous sommes au tout début de l’aventure.
Le jeune Manech vient de recevoir ce qu’on appelait « la
billette ». Il prend place sur le siège de la jardinière
du grand-père, destination la gare la plus proche. Splendeur,
longuement décrite, de cette campagne bretonne, ses boqueteaux,
ses chemins creux, ses champs de céréales tout prêts
pour la moisson : longue image de ces épis dorés, frissonnant
sous la brise légère. Avant que, brusquement, une rafale
aussi puissante qu’inattendue, ne les couche tous au sol, méthodiquement,
en un long travelling avant : on pense alors à une tout autre
et sinistre moisson, toute proche ; comment mieux exprimer, l’espace
d’un bref instant, la monstruosité de la boucherie que
l’on sait ? 
Jacques Agulhon

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