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Numéro 192 - octobre 2005
( sommaire )

Billet

Singulier Pluriels !

L'une des plus étranges évolutions de la langue française est la diminution du pluriel ; à tel point que l’on parle de pensée unique. Presque rien n’échappe à cette évolution. Prenez la politique par exemple : exit la « gauche plurielle », voici « l’unification de la gauche » même si la réalité est tout autre ; adieu les partis de droite, vive « l’union pour UN mouvement populaire ». Ce processus de singularisation des pluriels est peut-être le dernier avatar de la modernité. N’a-t-on pas mis en place le « collège unique », LA laïcité, LA République, LE certificat d’études, … ? Ce processus est d’autant plus important que notre France (tiens, un singulier !) est jacobine et centralisatrice. N’oublions jamais que la langue française a été imposée par la force dans toutes les régions. Mais à cette unification de la modernité, on est en train d’ajouter le rêve syncrétiste. J’espérais, voici quelques années, que la rencontre des cultures musicales du monde allait donner lieu à une diversification des sons et des inspirations. Mon rêve a été brisé sur l’autel de la Star Academy et autre formatage réducteur de la culture.

La philosophie du XXe siècle a été marquée, entre autres, par la remise en cause des systèmes de pensée globale, qui rendait compte de tout. La pensée s’est donc parcellisée, morcelée. Sans doute laissait-elle alors les explorations de traverse, les pensées plus originales se développer. Mais la peur de ne pas tout maîtriser a été la plus forte. On a alors préféré le « lieu commun » rassurant à l’aventure de la raison. Nos discours sont devenus tellement pauvres, mais tellement rassurants ! La force de conviction est devenue le critère de validité d’un discours. La vérité s’est effacée devant l’authenticité. Mais c’est sans doute un voile fragile posé sur un réel qui demeure complexe et pluriel.

Le monde théologique et ecclésial n’échappe pas à la règle. L’œcuménisme est clairement conçu comme une volonté d’unification du christianisme, au lieu d’être un nécessaire dialogue qui nourrit les diversités. La mode est aussi à « la théologie biblique », oubliant d’un trait de plume que le mot de « Bible » est un pluriel : « les livres », en grec. La diversité des pensées laisse la place à la tiédeur mollassonne du consensus mou. Nos synodes n’ont plus qu’un but : que tout le monde soit d’accord, en prenant le risque de ne plus dire grand chose…

Je préfère une démocratie et une Église où l’on vit, selon la formule de Ricœur, le « conflit des interprétations », à celles où l’on s’appauvrit en refusant les pluriels. Nous sommes chacun des singularités, mais nous conjuguons nos vies au pluriel.

Heureusement, un domaine a échappé à cette évolution : LES vacanceS ! Alors, dernier espace de nos libertés ? Dernier refuge de nos diversités d’existence ? Peut-être… feuille

Jean-Marie de Bourqueney

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