Je suis comme tout
le monde : face à l’info, je suis attiré par le chapelet
de mauvaises nouvelles. Mais comme tout le monde, j’ai besoin de
m’en évader le temps d’une lecture. Je vais chez mon
libraire. En tête des rayons, j’ai le choix : le type «
Houellebecq-Nothomb » ou le genre confessions intimes (plus c’est
sale et mieux c’est !). Avouez que comme évasion du réel,
on nage dans le bonheur et l’enthousiasme…
Il est vrai que les Romantiques du XIXe n’avaient
pas forcément le mot joyeux et l’espérance chevillée
au corps. Mais, dans la description souvent désespérée
de leurs imaginaires, ils rejoignaient, et ils rejoignent encore, une
sorte d’universelle éternité de notre condition humaine.
Quant à nos chers Houellebecq, et Nothomb associés, ils
mettent en scène, autant par leurs écrits que par l’image
qu’ils donnent d’eux-mêmes, une grande complaisance
de leurs petits problèmes. Cela reste petit, et, pour tout dire,
un peu ado attardé. Ils sont, comme l’acné juvénile,
du sébum des petits découragements égocentrés
de notre époque.

La Lutte finale, dessin de D.
Dubucq, signé du pseudonyme Ashavérus. Dubucq dirigeait
la revue satirique franco-belge Les Corbeaux.
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Or, la littérature est vitale pour toute société.
Par le jeu des mots et des langages, elle nous maintient dans une condition
d’éveil, indispensable à la survie de l’espèce.
Une fois passé le travail solitaire (et sans doute l’angoisse
!) de l’écrivain face à sa page blanche, la littérature
est fondamentalement partage et non étalage. L’existence
littéraire d’un roman tient autant de son auteur que de
ses lecteurs. Il est porté par un être seul autant que
par le monde. Chaque roman est un pont possible entre l’éphémère
d’un homme dans une époque et le rêve, sans doute
illusoire autant qu’indispensable, d’une éternité.
« Jusques à quand » (comme on disait
dans nos vieux cantiques) cette littérature glauque et dégoulinante
? Auteurs, à vos plumes (ou à vos claviers…) ! Éditeurs,
ouvrez vos yeux et vos oreilles ! Je ne peux pas croire qu’il n’existe
plus d’auteurs enthousiastes et heureux. Sinon il n’y aura
bientôt plus de lecteurs et rien ne serait pire. 
Jean-Marie
de Bourqueney