Un lecteur s’interroge sur l’article
de Gretta Vosper publié dans le numéro d’octobre
d’Évangile et liberté. Et Jean-Luc Duchêne
propose en réponse quelques éléments de réflexion.
Dans le numéro d’octobre
d’Évangile et liberté, j’ai lu avec intérêt
l’article de Gretta Vosper sur le vocabulaire utilisé
dans les Églises. Elle soulève beaucoup de questions,
notamment sur l’utilisation de mots tels que : résurrection,
salut, Ascension, etc. Pourquoi pas ? Il est toujours bon de se poser
des questions.
Pourtant, quand elle prétend bannir toutes sortes de termes
religieux, Gretta Vosper me semble un peu naïve, manquant de
réalisme. Non seulement les Églises, mais tout groupe
humain a son propre langage, juste ou faux, qui fait partie des «
mots de la tribu », et constituant un code commun. Il faudrait
étendre cette analyse à toute communauté et tout
groupement : par exemple, que dire de mots tels que démocratie,
paix, égalité ?
Il manque d’ailleurs à cet article une seconde partie,
qui proposerait des substituts à ce vocabulaire, ou un autre
codage, ce qui le rendrait plus crédible. En fait, Gretta Vosper
va plus loin que des questions de vocabulaire : si je lis bien ses
questions, il nous faudrait évacuer entre autres les pratiques
cultuelles (y compris vêtements, liturgie, etc., c’est
un peu désincarné) et la prière ; la lecture
de la Bible n’aurait plus qu’un intérêt parmi
d’autres – mais pourquoi alors privilégier aussi
les paroles de Kant, Gandhi et Martin Luther King ? Pourquoi écarter
Bergson, Montaigne, et même Calvin ? Sans parler de Marx et
de Freud, bien évidemment.
Pierre Stabenbordt (courriel)
Si toute tribu a effectivement son
propre langage, elle ne l’utilise en général pas
pour s’adresser aux étrangers. Par exemple, les scientifiques
font de la « vulgarisation » pour faire passer les idées
scientifiques chez les non-initiés. Cela consiste précisément
à bannir les termes spécifiques de la tribu des scientifiques.
Certains y excellent ; d’autres, qui ne savent pas traduire,
n’arrivent à rien... et restent incompréhensibles.
Il faut alors peut-être se demander si l’Église
tient à se faire entendre de tous, ou si elle préfère
rester une tribu de spécialistes, fermée sur elle-même
! Parler de « résurrection », d’« ascension
» ou de « fils de Dieu » n’est pas anodin,
et n’est certainement pas compris de la même façon
dans les facultés de théologie, dans les paroisses «
ordinaires », ou dans les banlieues pauvres du nord de Paris.
Je pense aussi, comme Gretta Vosper, que Dieu peut parler à
certains par la voix de Martin Luther King, comme il parle à
d’autres par les chorals de Bach ou par la naissance d’un
enfant. Il en était question aux récentes journées
libérales à Cap d’Agde. Et André Gounelle
explique dans le numéro de novembre d’Évangile
et liberté comment sa compréhension de l’Évangile
est influencée par l’Éthique de Spinoza. Doit-on
alors écarter a priori Calvin, Marx et Freud ?
Jean-Luc Duchêne, Marcoussis