À la boutique
de mon hôpital, il y a beaucoup de peluches souvent coûteuses
: signe de tendresse pour les malades à qui on les offre quel
que soit leur âge ; parfois aussi prétexte pour cacher
peurs et fuites devant la souffrance : « Tiens, pour te tenir
compagnie. »
Ce vieux monsieur en long séjour est amer : il
n’attend plus rien de la vie, une succession de mornes journées.
Comme par provocation, il demande à qui veut l’entendre
: « À quoi ça sert la vie ? » Beaucoup répondent
avec de « belles » choses : amitié, amour, solidarité,
joie… Dieu. Signe de tendresse pour apaiser son angoisse ? Réponses-peluches
par peur d’être confronté au total désarroi
?
J’ai répondu : à rien ! C’est
vrai au fond : c’est quoi ce processus biologique qui mange, se
reproduit, meurt et recommence ? Quel but à ce manège
bizarre qui semble n’avoir d’autre finalité que soi-même
?
Étonnement ! La réponse brutale à
la demande brutale était la bonne. La confiance naît souvent
parce qu’on ne s’est pas contenté de « belles
» réponses hâtives – Dieu compris – qui
renvoient l’autre seul avec sa question. C’est justement parce
que, peut-être, « ça ne sert à rien »,
que « l’herbe sèche et la fleur se fane », qu’il
faut renoncer aux peluches et accepter d’explorer ensemble cette
vie et ses énigmes douloureuses. Puis avec d’infinies précautions,
reconstruire, à partir du lien né d’une provocation
acceptée et entendue. Glisser, entre un silence et un sourire,
un mot de cette Grâce, capable de donner sens au manège
bizarre. Grâce qui n’a pas plus de raison d’être
que la vie : elles ont en commun d’être pour rien… gratuites.
Plus coûteux qu’une peluche, ce chemin où
il faut repartir de rien avec le rien de l’autre… et le nôtre.
Coûteux mais plein de tendresse, comme une peluche et peut-être
même plus… 
Christine
Durand-Leis