L. G. : Quelles sont les principales caractéristiques
des Quakers ?
F. T. : Je précise d’abord que je réponds à
vos questions en tant que Quaker, en mon nom propre, et non en tant
que représentante de la Société religieuse des
Amis (Quakers).
Notre principale caractéristique ? Nous affirmons que toute
personne, au plus profond d’elle-même, est de nature divine,
même si, en certains cas, cela est fort bien caché !
Cette étincelle divine en nous (la « lumière intérieure
», la « graine », la « source » sont
d’autres termes que nous utilisons pour suggérer celui
dont le nom demeure imprononçable), nous cherchons à
la retrouver dans le calme et le silence de notre recueillement personnel
et dans nos réunions de recueillement quaker. Dans le silence
d’une écoute attentive avec les autres, nous cherchons
à communier directement avec ce Dieu en nous et infiniment
plus vaste que nous. Au sein de ce silence, l’un ou l’autre
peut se sentir poussé à offrir un court « ministère
», un message spirituel, issu de sa propre expérience.
Ces réunions et le recueillement en silence sont la base de
toute notre vie.
Issu de la Réforme au XVIIe siècle, le mouvement quaker
s’est toujours inspiré des enseignements de Jésus,
en rejetant toute autorité extérieure et en insistant
sur l’importance d’une recherche intérieure et personnelle.
Nous savons que les évangiles, comme les autres textes de la
Bible, ont été remaniés et nous cherchons à
savoir quelles étaient les paroles les plus probables de Jésus.
Nous n’avons ni prêtres ni pasteurs, ni articles de foi,
ni dogmes, ni credo. Nous sommes chacun responsable du sacerdoce et
de l’accompagnement pastoral. Nous sommes bien connus pour être
pacifistes. Nous prenons un rôle actif dans le déroulement
de la politique (dans le sens le plus large) aux niveaux national,
européen et mondial. Nous maintenons des permanences auprès
des institutions à Bruxelles, Genève et à New
York.
Nous ne sommes que 300 000 environ dans le monde.
Que représente pour vous le protestantisme
libéral ?
Nous nous sentons proches des protestants libéraux et sommes
enrichis par la lecture d’Évangile et liberté.
Nous le lisons avec le plaisir de ceux qui parcourent des chemins
en commun, mais qui voient parfois le paysage d’un autre œil,
et nous nous sentons souvent interpellés par la réflexion
rigoureuse de nombreux articles. Comme dans tout mouvement, nous y
discernons, à côté des courants novateurs, d’autres
courants plus conservateurs – et nous nous demandons parfois
comment certains d’entre vous concilient leurs réflexions
libérales avec les paroles de certains cantiques, psaumes et
prières !
Quelle importance a pour vous le dialogue interreligieux
?
Il est très important pour nous. C’est d’ailleurs
à « Pluralie – rencontres inter-religieuses à
Nîmes » que le pasteur Michel Jas nous a fait connaître
Évangile et liberté. Nous avons découvert dans
les expériences inter-religieuses, dans le respect des uns
des autres, que nos différences constituent notre richesse,
et, d’autre part, que les religions vécues avec authenticité
partagent les mêmes valeurs, ce qui nous permet de vivre ensemble.
Dans un monde où les religions sont instrumentalisées
à des fins de dominations morales, sociales et politiques,
il est essentiel de démontrer sur la place publique que seules
des minorités agissent de manière contraire aux enseignements
de base des religions. Comme disait Mary Woolstonecroft, l’une
des figures fondatrices des Quakers : « Tous cherchent le bonheur
; malheureusement certains se trompent sur sa nature et sur les moyens
d’y parvenir. » 
Françoise
Tomlin
Propos recueillis par Laurent Gagnebin