Nous visitions, avec
des amis, la cathédrale de Reims. Des petits boîtiers avec
écouteurs nous ont permis de bénéficier de commentaires
avisés. Grâce à eux, notre attention était
attirée sur nombre de détails qui seraient passés
inaperçus autrement. Synergie entre la technique électronique
daujourdhui et les techniques architecturales du Moyen Âge.
Aperçu aussi sur la théologie de lépoque,
sur ce que lÉglise voulait enseigner au peuple.
À lextérieur, face au transept nord,
la cassette insista sur un visage de Dieu dont tous les traits débordaient,
paraît-il, de bonté. Cétait, à lentendre,
une prouesse artistique, que davoir ainsi pu exprimer dans la
pierre une telle bonté divine. Et puis, le commentaire poursuivit
sans transition : « Juste au dessus, une très expressive
représentation du Jugement Dernier. » On pouvait voir certains
damnés griller directement dans les flammes, tandis que dautres
marinaient plus délicatement dans une énorme bouilloire.
Hyeronimus Bosch, La Tentation
de saint Antoine (détail). Lisbonne,musée d'Art
ancien.
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Quelle bonté de Dieu, en effet.
Mes amis, les uns chrétiens bon teint, les autres
plutôt agnostiques, ne réagissaient pas. Ils trouvaient
tout cela assez conforme à lesprit du christianisme, tel
quils pouvaient le percevoir. Lorsque jexprimai mon désarroi
devant lexpression dun tel non-sens, ils sétonnèrent,
pensant que le domaine de la logique navait pas à interférer
avec le domaine du religieux.
Parmi les damnés, dans la bouilloire, se trouvaient
un roi, un évêque, un moine et un juge. Ceux-là
doivent sinterroger encore sur la bonté de Dieu.
Aujourdhui, lÉglise enseigne toujours
que lEnfer existe. Mais elle nose pas affirmer quil
y ait beaucoup de monde en ce lieu peu engageant. Voilà ce quil
aurait fallu sculpter au dessus du Dieu bon : un Enfer vide ; des flammes,
juste pour réchauffer latmosphère ; une bouilloire,
juste pour servir le thé. Et un paradis encombré de tous
les hommes et femmes de la terre.
Henri
Persoz