Spirituel et social. La
recomposition et le retour actuels du religieux sont une chance pour
le christianisme. Les croyants ne sont plus regardés avec commisération
comme des animaux à parquer dans des réserves pour espèces
en voie de disparition. Le religieux se porte et se vend bien ; les
marchands du temple le savent et surfent habilement sur la vague d’un
spirituel en vogue.
Cela dit, Schleiermacher dénonçait déjà,
dans ses Discours sur la religion de 1799, ceux qui ont des élans
éthérés de mysticisme comme d’autres, pourrait-on
ajouter, ont des accès de fièvre. La spiritualité
ne saurait être une évasion individualiste hors de ce monde,
fût-il odieux. Elle doit être l’occasion d’un
ressourcement créateur pour inscrire une foi solidaire dans le
présent et dans notre monde.
Nous fêterons le dimanche 26 novembre les 120 ans
d’Évangile et liberté ( Voir le programme détaillé
de la fête en IIIe page de couverture). Je voudrais rappeler qu’à
partir de 1925 ce périodique comportait un sous-titre significatif
et interpellant : Organe de rénovation spirituelle et d’action
sociale évangélique. Ces mots ont un style un peu daté,
mais cela au meilleur sens du mot également : c’est en en
effet en 1925 qu’eut lieu à Stockholm la conférence
œcuménique « Vie et action », Conférence
universelle pour un christianisme pratique ; on est alors en pleine
efflorescence du mouvement du Christianisme social. Ce sous-titre voulait
ainsi clairement défendre un christianisme toujours à
la fois « spirituel » et « social ». Il est
important que ce projet et ce combat deviennent toujours davantage les
nôtres. Notre crédibilité est à ce prix.
Face à la croix et aux victimes d’aujourd’hui, comprendrait-on
en effet que luttant pour un christianisme d’ouverture nous puissions
simultanément fermer les yeux sur les souffrances et les injustices
de ce temps, joindre les mains sans rejoindre l’humain ? 
Laurent
Gagnebin