Chercher la perfection ou la
prétendre acquise : voilà ce qui mine les Églises
et gangrène la foi et lexistence.
« Dans sa grâce, Dieu ne nous permet pas de
vivre dans lÉglise de nos rêves », écrit
le théologien Dietrich Bonhoeffer (1906-1945).
Oui, rien de plus dangereux que cette quête de perfection
qui nous laisse toujours insatisfaits, durs ou amers, et nous fait dériver
dans lirréel.
Et quoi de plus dangereux aussi que de penser cette perfection
atteignable ?
Une foi prétendument parfaite, jamais touchée
par le doute, devient arrogante et se transforme en reproche permanent.
Une Église qui croit réaliser les idéaux
qui laniment devient prétentieuse et sectaire.
Une religion idéalisée, fermée à
la critique et pour qui la rencontre avec autrui nest que bavardage
stérile, devient morte.
Prétendre à la perfection religieuse nest
que mensonge et blasphème ! Mensonge, car cest faire croire
que la perfection est en notre pouvoir ; blasphème, car cest
nier le fait quen Dieu tout est grâce, don, prodigalité.
Mais assumer limperfection ne revient pas à sy complaire.
Si, en Christ, Dieu est une force dapprobation qui
nous permet de nous accepter tels que nous sommes et nous libère
de toute illusion, Dieu est aussi un appel à transfigurer le
réel. Et ce au nom dun Évangile qui nest pas
une chimère, un fantasme ou un rêve inaccessible.
Cet appel nous reconduit au cur du monde, tel quil
est, pour transformer avec passion ce qui peut lêtre, tout
en acceptant avec sagesse ce qui ne peut être changé.
« Dieu hait la rêverie pieuse », écrit
aussi Bonhoeffer.
LÉvangile ne nous oblige pas à limpossible
et brise nos rêves de puissance et de monde parfait. Ce faisant,
il nous replace à la hauteur de nos moyens, et nous encourage
ainsi à rendre le monde possible, possible pour tous, cest-à-dire
habitable, humain, tout simplement.
Raphaël
Picon