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Numéro 206
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Francis Bacon, Study for Portrait
of Van Gogh III, 1957, |
Oui dans cette série de tableaux que Francis Bacon réalisa entre 1951 et 1957, à partir d’une reproduction de la toile : Autoportrait sur la route de Tarascon, peinte à Arles par V. Van Gogh en 1888, il faut saisir à quel point Francis Bacon tente de se rapprocher de Van Gogh ; comme s’il voulait lui rectifier son autoportrait, lui faire mieux comprendre sa propre personne, lui proposer une autre définition de son être, le libérer. Dieu est là.
Même si Francis Bacon se dit athée…
Quand un artiste admire un autre artiste au point d’essayer de prendre leçon de sa peinture, en toute humilité, et que, dans le même temps, il crée avec et pour lui.
Quand il recadre son autoportrait dans l’espace, arrêtant sa marche, comme s’il lui disait : « Arrête-toi un peu, je suis là, moi je te regarde, je prends le temps de t’écouter et de te dévoiler, tel que tu n’apparais pas dans ton autoportrait, mais tel que je te révèle. »
Comme s’il voulait mettre en image cette belle remarque qu’il livre à David Sylvester (entretien enregistré en 1973) : « Nous vivons toujours une existence voilée d’écrans. Et je pense parfois, quand on dit que mes œuvres ont un aspect violent, que j’ai peut-être été capable, de temps en temps capable d’écarter un ou deux de ces voiles ou écrans. » Dieu est là.
Alors, cet homme que peint Van Gogh marchant sur la route, de travers, exposé sous le soleil du midi, encombré mais alerte, devient pour Bacon et pour le spectateur qui regarde, un homme à l’arrêt, retourné, raide mais incliné par le poids de la charge,
un homme à l’arrêt mais en vive attente, brûlé par le soleil, sous un chapeau qui ne protège plus, attaché à son ombre comme un chien serait attaché à sa laisse,
ou pardonnez-moi, attaché comme on serait promené par son chien ou son ombre.
Oui, quand une ombre vous promène, qu’elle vous tient au corps secrètement, et que Bacon le décèle et fait tout pour le faire savoir, pour peindre cette énergie de l’homme qu’il veut toujours restituer de ses portraits comme seule vérité accessible, un peu à la manière de N. Berdiaev, quand il dit que le bien ou la vérité ne peut s’évaluer qu’en terme d’une énergie.
Quand l’ombre pèse plus lourd que sa vie…
Et quand, Bacon s’attache à chercher en 5 tableaux, comment cette ombre lie Van Gogh, au point de la noircir de plus en plus violemment, créant un espace de contraste avec le bleu turquin, et les vermillons successifs, utilisés par fidélité pour son ami, Dieu est là.
Dieu est toujours là dans la rencontre entre deux hommes au-delà de la rencontre tangible, au-delà du temps mesurable, et de la vie.
Dieu est là dans le souci ultime de libérer, dans l’intention
insoupçonnable et obsessionnelle de comprendre l’autre,
dans l’humilité et la reconnaissance, dans la tristesse
et la misère de l’ombre exprimée en noir, rehaussée,
défigurée ou noyée par des couleurs de soleil du
midi.
Une tristesse rappelée peut-être par la marque du clou
noir évoquée sur la main gauche du peintre sur la route
de Tarascon, à l’image de Celui qui incline dans l’invisible
et le silence, à ce souci de restituer la vie.
Bienvenue |
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Numéro 206 |
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