logo d'Évangile et Liberté

Numéro 206
Février 2007
( sommaire )

Résonner

Dans une série de tableaux peints par Francis Bacon, variations sur un thème de Van Gogh, et à travers la relation qui se crée ainsi entre les deux peintres, Béatrice Hollard-Beau, pasteur à Paris-Plaisance, perçoit la présence de Dieu.

Peindre à la manière de…
Une histoire d’amour évangélique

Dieu dans une œuvre d’art, non, jamais.

Mais Dieu à la source du besoin de créer, peut-être.

Francis Bacon eut envie de peindre à la manière de…

Francis Bacon qui admire et cherche le portrait de Vincent Van Gogh : Dieu est là.

Une admiration, presque obsessionnelle, comme celle qui le relie à Vélasquez, Manet ou Michaux et qui l’inspire jusqu’à peindre à sa manière, son âme contre la sienne, deux âmes liées en une œuvre, une recherche de fusion, des concessions, un respect : Dieu est là.

Francis Bacon, Study for Portrait of Van Gogh III, 1957, huile et sable sur toile 198 x 142 cm. Hirschhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Washngton

Francis Bacon, Study for Portrait of Van Gogh III, 1957,
huile et sable sur toile 198 x 142 cm.
Hirschhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Washngton

Oui dans cette série de tableaux que Francis Bacon réalisa entre 1951 et 1957, à partir d’une reproduction de la toile : Autoportrait sur la route de Tarascon, peinte à Arles par V. Van Gogh en 1888, il faut saisir à quel point Francis Bacon tente de se rapprocher de Van Gogh ; comme s’il voulait lui rectifier son autoportrait, lui faire mieux comprendre sa propre personne, lui proposer une autre définition de son être, le libérer. Dieu est là.

Même si Francis Bacon se dit athée…

Quand un artiste admire un autre artiste au point d’essayer de prendre leçon de sa peinture, en toute humilité, et que, dans le même temps, il crée avec et pour lui.

Quand il recadre son autoportrait dans l’espace, arrêtant sa marche, comme s’il lui disait : « Arrête-toi un peu, je suis là, moi je te regarde, je prends le temps de t’écouter et de te dévoiler, tel que tu n’apparais pas dans ton autoportrait, mais tel que je te révèle. »

Comme s’il voulait mettre en image cette belle remarque qu’il livre à David Sylvester (entretien enregistré en 1973) : « Nous vivons toujours une existence voilée d’écrans. Et je pense parfois, quand on dit que mes œuvres ont un aspect violent, que j’ai peut-être été capable, de temps en temps capable d’écarter un ou deux de ces voiles ou écrans. » Dieu est là.

Alors, cet homme que peint Van Gogh marchant sur la route, de travers, exposé sous le soleil du midi, encombré mais alerte, devient pour Bacon et pour le spectateur qui regarde, un homme à l’arrêt, retourné, raide mais incliné par le poids de la charge,

un homme à l’arrêt mais en vive attente, brûlé par le soleil, sous un chapeau qui ne protège plus, attaché à son ombre comme un chien serait attaché à sa laisse,

ou pardonnez-moi, attaché comme on serait promené par son chien ou son ombre.

Oui, quand une ombre vous promène, qu’elle vous tient au corps secrètement, et que Bacon le décèle et fait tout pour le faire savoir, pour peindre cette énergie de l’homme qu’il veut toujours restituer de ses portraits comme seule vérité accessible, un peu à la manière de N. Berdiaev, quand il dit que le bien ou la vérité ne peut s’évaluer qu’en terme d’une énergie.

Quand l’ombre pèse plus lourd que sa vie…

Et quand, Bacon s’attache à chercher en 5 tableaux, comment cette ombre lie Van Gogh, au point de la noircir de plus en plus violemment, créant un espace de contraste avec le bleu turquin, et les vermillons successifs, utilisés par fidélité pour son ami, Dieu est là.

Dieu est toujours là dans la rencontre entre deux hommes au-delà de la rencontre tangible, au-delà du temps mesurable, et de la vie.

Dieu est là dans le souci ultime de libérer, dans l’intention insoupçonnable et obsessionnelle de comprendre l’autre, dans l’humilité et la reconnaissance, dans la tristesse et la misère de l’ombre exprimée en noir, rehaussée, défigurée ou noyée par des couleurs de soleil du midi.
Une tristesse rappelée peut-être par la marque du clou noir évoquée sur la main gauche du peintre sur la route de Tarascon, à l’image de Celui qui incline dans l’invisible et le silence, à ce souci de restituer la vie. feuille

Béatrice Hollard-Beau

 

 

haut

 

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)


Vous pouvez nous écrire vos remarques,
vos encouragements, vos questions



Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°