C’est fou le nombre
de portes que l’on peut franchir dans une journée. Il y
a celles qu’on ferme à clef, celles qu’on laisse entrouvertes,
celles qu’on ouvre volontiers. Il y en a même avec des airbags…
Sans parler de ce symbole de la porte si souvent utilisé, notamment
dans les religions, pour désigner le passage vers un ailleurs…
Étrange symbole à vrai dire que cette porte tour à
tour « porte ouverte » ou serrure cadenassée derrière
laquelle on se replie, à l’abri de ce qui semble être
un danger.
Imaginons un monde sans portes. Ce serait un monde effrayant
! On y serait enfermé derrière des murs infranchissables
ou, au contraire, livré aux intempéries sans la moindre
protection. La porte est un passage nécessaire. Indispensable
même. Elle reflète chacune de nos vies, chacune de nos
identités personnelles. Nous avons besoin d’un espace et
d’un temps d’intimité. Et nous avons aussi besoin de
nous ouvrir aux autres. L’être humain n’est pas un ver
solitaire. Il est fondamentalement un être de relation. Mais pas
à n’importe quel prix. Il n’est pas comme la fourmi
dont la seule identité est liée à sa fonction dans
le groupe. La vie d’une fourmi a peu de prix au sein de la fourmilière
; celle d’un être humain est unique ! Les sociétés
qui ont nié la variété des identités ont
été des sociétés totalitaires. Ce fut, dans
l’imaginaire, le « Big Brother » du roman de George
Orwell, 1984, reflet fantastique des deux sinistres réalités
historiques : le nazisme et le stalinisme.
Chacun d’entre nous est en même temps un «
individu », responsable de sa conscience et de ses choix, et une
« personne », engagée dans des relations humaines.
Bref, les portes de nos quotidiens nous permettent de franchir, dans
les deux sens, l’espace entre le « chez nous » protecteur
de notre identité et le « avec les autres » constructeur
d’une société humaine. La porte, si l’on sait
l’ouvrir, nous évite l’écueil de l’égoïsme
du repli. Elle nous évite aussi l’uniformisation, la standardisation
de l’humain. Elle est rempart de notre liberté et accueil
du monde. 
Jean-Marie
de Bourqueney