Personne ne détient les
clés du bonheur ! Voilà ce que nous ont enseigné
les Réformateurs en affirmant : le salut est offert par la seule
grâce de Dieu !
Le protestantisme est né de cette conviction. Il
nous permet de repenser la relation à Dieu et aux autres, comme
tous les éléments de la foi chrétienne, à
la lumière de cette vérité : l’amour de Dieu
ne récompense aucun mérite, il est donné sans condition.
Affirmer le salut par la grâce seule, c’est
redire en termes théologiques cette vérité de la
sagesse humaine : le bonheur ne nous appartient pas ! Nous pouvons le
désirer ardemment, tout faire pour y accéder, défricher
ses chemins, il surgira toujours d’ailleurs, à l’improviste,
de manière détournée.
Quand toutes les conditions requises seraient réunies
pour qu’il soit possible, le bonheur ne sera toujours pas assuré.
Il en est de même de l’amour, de la foi ou de la vérité.
Nous pouvons tendre vers eux, les définir et y croire ardemment,
leur avènement n’est jamais de notre seul ressort. La part
de Dieu réside dans cet interstice-là, entre l’attente
laborieuse et le don gratuit, le désir et l’assouvissement,
le manque et la plénitude.
Dieu est le chemin qui conduit de l’un vers l’autre,
de l’effort à la grâce, comme de la croix à
la résurrection, de la nuit noire au matin de Pâques.
Même quand on délaisse la croyance en un
salut après la mort, la proclamation du salut par la grâce
seule reste un « Évangile », une bonne nouvelle.
Elle brise les prétentions de quiconque à
faire le bonheur du monde (religions, idéologies, systèmes
et programmes politiques…), elle souligne la relativité
de tous systèmes de vérité, elle creuse en chacun
de nous une place pour l’au-delà d’un bonheur, d’un
amour, d’une foi, qui peuvent toujours et encore arriver puisqu’on
ne les maîtrise ni ne les détient véritablement.

Raphaël
Picon