Voici une injonction
qui a valeur de devise, en particulier pour les jeunes qui connaissent
des débuts difficiles.
Dans son roman : « Ne te retourne pas »,
le dramaturge canadien James W. Nichol aborde ce thème. Abandonné
sur une route de l’Ontario et ballotté de foyer en foyer,
le petit Walker a en tête cette unique recommandation qui lui
donne la force d’avancer et de surmonter les embûches.
En matière de cinéma, le film de Radu Mihaileanu,
« Va, Vis et Deviens » en est une admirable illustration.
En 1984 au Soudan, des milliers d’Africains frappés
par la famine se retrouvent dans des camps. Afin de permettre aux Falachas,
une communauté de Juifs éthiopiens descendants du roi
Salomon et de la reine de Saba présents dans la Torah, de rejoindre
la Terre Sainte, Israël et les États-Unis lancent l’opération
« Moïse ».
«
Va », c’est l’ordre qu’intime une éthiopienne
chrétienne à son fils de neuf ans afin qu’il échappe
à la famine et à la mort. Elle le pousse à la séparation
et le confie à une éthiopienne juive dont le fils vient
de mourir. Il doit dire que cette femme est sa mère, qu’il
est juif, qu’il s’appelle Schlomo et s’il le faut, que
sa famille est composée de juifs dont on lui enseigne les noms.
Il ne comprend pas pourquoi, mais chassé, il part avec cette
inconnue qui doit le conduire dans un pays idyllique où «
coulent des rivières de lait et de miel ».
Arrivé en Israël, son accompagnatrice meurt
; l’enfant est alors adopté par une famille séfarade.
Il est sauvé ! Il découvre émerveillé un
monde opulent, mais il a perdu sa mère, sa terre, son identité.
Ce terrible secret le mine et le plonge dans le plus
grand mutisme. Bien que déraciné, il reste le même
au fond et a besoin de renouer avec certaines de ses habitudes, comme
celle de fouler la terre pieds nus. Cependant, pour faire comme les
autres, il apprend le yiddish et le français (langue d’origine
de sa nouvelle famille) et admet que le guide spirituel n’est pas
Jésu-Christ mais Moïse. Il découvre aussi que son
pays d’adoption compte des gens hostiles à l’intégration
et au métissage, à l’instar de Mme Golda Meir, chef
du gouvernement, qui se demande « si les Juifs n’avaient
pas assez de problèmes comme cela pour encore devoir s’occuper
des énigmatiques Falachas ».
L’immense amour que lui prodigue sa mère
adoptive permet à cet enfant d’affronter toutes ces difficultés.
Après une adolescence sans histoire, Schlomo s’intègre
à la société occidentale, fait des études
et devient médecin dans une ONG.
Le réalisateur de ce beau film nous renvoie à
sa propre histoire familiale. Juif d’origine roumaine, son père
fut obligé de changer de nom pendant l’occupation nazie.
Il sait donc parler de racisme, de guerre et de la facilité des
déracinés à se servir des apparences afin de survivre.
Il y ajoute courageusement un aspect documentaire sur Israël à
la fois terre d’accueil et d’exclusion.
Il s’agit d’un brillant et sensible plaidoyer
en faveur du droit à la différence et à l’acceptation
de l’Autre. Cette œuvre souligne que l’identité
et la culture de chacun constituent des éléments essentiels
de la vie. Il s’agit de les respecter et de prendre en compte leur
diversité et leur évolution. Puissions-nous espérer
que ce message de tolérance soit entendu et suivi par tous !
