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Numéro 210
Juin-Juillet 2007
( sommaire )

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Pour Gilles Castelnau, les images de Dieu et le langage religieux traditionnels expliquent en grande partie l’athéisme contemporain. Si Dieu est ce qui nous concerne de manière ultime, comment alors se satisfaire d’une prédication insipide et sans intérêt ?

Les religions : un affront à l’intelligence ?

 

« Les religions sont un affront à l’intelligence »
(forum de Yahoo)

Encore récemment les gens s’excusaient de ne pas venir au temple (ou à l’église) parce qu’ils partaient en week-end. Maintenant ils disent carrément qu’ils n’en veulent plus.

Ce n’est pas qu’ils soient sans religion ! Les sites Internet religieux se multiplient, la radio grand public France Inter a le samedi matin d’excellentes émissions théologiques, les rayons librairie de nos supermarchés regorgent d’ouvrages de spiritualité – mais pas de la nôtre. C’est frustrant !

Dans leur quête spirituelle et leur réflexion éthique nos contemporains ne se tournent plus vers nous et cherchent ailleurs. Comment devrions-nous nous y prendre pour proposer aux gens le message chrétien qui les aidera à vivre dans le monde d’aujourd’hui et qui sera une alternative aux divers conservatismes inhumains, aux fondamentalismes, aux idéologies totalitaires et aux spiritualités échevelées ?

Paul Tillich disait que si notre parole ne rejoint pas les préoccupations fondamentales de ceux qui nous écoutent, c’est qu’elle n’est pas une Parole de Dieu. Car Dieu intéresse fondamentalement les gens, comme il s’intéresse fondamentalement à eux.

Comment adapter notre langage à la quête de notre temps ?

Quand j’assiste au culte, je m’assieds plutôt devant et lorsqu’il y a un baptême je suis donc proche de la famille de l’enfant. L’expérience est frappante. La plupart du temps, dès le début du culte, ils n’écoutent rien de ce qui est dit ou chanté. Comme si le pasteur parlait une langue inconnue à ces visiteurs occasionnels. Des mots qui n’auraient pas de sens et ne leur seraient d’aucune aide pour leur vie quotidienne.

Il ne suffit d’ailleurs pas d’épousseter notre vocabulaire mais d’être attentifs au message que, sans nous en rendre compte, nous véhiculons. Par exemple, lors du culte de l’Ascension, la plupart des pasteurs expliquent bien qu’il convient de se pénétrer du sens profond du récit et n’enseignent pas à le prendre au pied de la lettre car tout le monde sait désormais que lorsqu’un corps s’élève verticalement sans s’arrêter, il n’arrive pas chez Dieu mais se satellise en orbite. D’ailleurs ce qui est « haut » en France est « bas » en Nouvelle Zélande. Pourtant l’absurdité d’une compréhension littérale plane toujours sur nos contemporains.

Nombreux sont aussi ceux qui, sous l’influence sans doute d’un catholicisme populaire, lisent les récits évangéliques comme ceux d’un Dieu descendu du ciel pour se promener un temps sur la terre – en marchant tout naturellement à l’occasion sur les eaux, en multipliant les pains et les miracles. Les enfants des écoles bibliques n’hésitent pas à mêler dans leurs dessins le Père Noël avec l’étoile des mages et les moutons des bergers, images que leurs parents jugent aussi peu crédibles que celles du voyage nocturne de Mahomet monté au ciel sur sa jument Al-Bouraq ou de la naissance du petit Bouddha au son d’une musique céleste et sous une pluie de fleurs de lotus.

La démythologisation n’est pas terminée

Ce qui est plus grave est que ceux d’entre nous qui se tapotent le menton à la mention de la Résurrection de Jésus, hésitent à admettre qu’au bout de trois jours – vous comptez vraiment trois jours entre vendredi soir et dimanche matin ? – son cadavre couché dans la tombe se lève, traverse la pierre (lorsque l’ange la roule, selon Matthieu, Jésus en est déjà sorti). Peut-on être enfant de Dieu et le prier valablement si l’on ne peut pas y croire ? Les pasteurs ont tous correctement pratiqué l’exégèse historique et critique durant leurs études mais craignent de choquer leurs paroissiens en expliquant ces choses. Et les fidèles craignent de choquer leur pasteur en lui avouant que ces récits ne passent plus tels quels. Le pasteur Jack Good de Sydney en Australie, l’a si bien vu qu’il a écrit un livre qu’il a nommé, pour cette raison, « L’Église malhonnête » (The Dishonest Church) ! Quel gâchis ! Ce message de la Résurrection de Jésus, symbole central du dynamisme créateur de Dieu, archétype de tous les renouveaux divins, est alors traité d’antique légende ou de happy-end aberrant d’un récit imaginaire. Il en est de même en ce qui concerne les récits de la naissance miraculeuse qui, lorsqu’ils sont lus au premier degré – et malgré toute la connaissance que l’on a aujourd’hui du caractère mythique de ces textes – transforment Jésus en Homme-Dieu légendaire et sont tournés en dérision.

Les récits de l’Ancien Testament sont également fréquemment mentionnés sans aucune remarque concernant les circonstances et les dates de leur rédaction, comme si leur historicité était évidente. Pourtant « La Bible dévoilée » des archéologues juifs Israël Finhkelstein et Neil Asher Silberman et « Le Temps de la Bible » de l’archéologue protestant français Pierre Bordreuil et de l’archéologue catholique Françoise Briquel-Chatonnet, désormais répandus et publiés en livre de poche, montrent de manière décisive que, par exemple, l’Exode d’Égypte avec Moïse n’a pu avoir lieu puisque le Sinaï et la Palestine étaient à l’époque occupés par l’armée égyptienne et qu’il convient donc de lire ces récits dans l’esprit qui animait leurs auteurs. De l’intelligence des textes surgit alors l’intérêt et nos contemporains ne se croient plus obligés de se situer dans une « histoire sainte » abracadabrantesque et insensée !

Il en est de même en ce qui concerne les mentions sans nuances des grands dogmes traditionnels que sont la Trinité ou la valeur sacrificielle de la mort de Jésus. Un paroissien pourtant fidèle disait croiser les doigts derrière son dos lorsque le pasteur demandait que l’on dise ensemble à haute voix le Symbole des apôtres qui est devenu aujourd’hui un texte ésotérique !

Un Dieu crédible

La théologie du Process que le professeur André Gounelle a fait connaître en France il y a presque trente ans dans son livre « le Dynamisme créateur de Dieu » (éd. Van Dieren), présente une notion de Dieu plus compréhensible à nos esprits modernes que le « théisme » traditionnel. Celui-ci qui présente Dieu comme un être céleste et à la toute-puissance irrésistible, intervenant dans les événements du monde de l’extérieur, de manière surnaturelle et imprévisible, est une conception qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Cette définition de Dieu est sans doute l’une des raisons qui détourne nos contemporains de nos Églises pour les orienter vers des spiritualités New-Age ou vers le bouddhisme. Le « panenthéisme » du Process suggérant que Dieu est une Présence créatrice en nous, qui n’est pas sans nous mais qui est plus que nous, correspond vraiment bien à la foi des auteurs bibliques et permet à nos esprits modernes une foi vivante, créatrice et fraternelle. Je suis de ceux qui pensent, comme l’évêque américain John Spong, que l’ « athéisme » est davantage blocage intellectuel devant ce « théisme » obsolète que refus de la foi en Dieu.

Nous sommes nombreux à « croiser les doigts » derrière notre dos lorsqu’on nous demande de chanter
Que ta main me dispense joie ou douleur
Paisible en ta présence garde mon cœur,
(Alléluia N° 47/14)
car nous ne voyons pas dans les évangiles Jésus enseigner que la douleur pourrait venir de Dieu !

Nos textes liturgiques et nos cantiques « théistes » sont certainement l’une des causes de la désaffection de notre religion. Après tout, plutôt que laisser les gens s’imaginer que la vie chrétienne consiste à adhérer à des « vérités » qui leur semblent aberrantes, ne faudrait-il pas affirmer systématiquement qu’il s’agit d’entrer dans une communion vivante avec Dieu renouvelant notre regard sur le monde et sur nous-mêmes, en utilisant toute l’intelligence qui nous a été donnée et en prêtant attention à nos paroles !

Un travail collectif sur nos textes liturgiques, nos cantiques, la lecture (littérale) de la Bible, les affirmations massives de dogmes écrasants, me semble devoir être poursuivi de toute urgence dans le but de retrouver l’oreille de nos contemporains – et la nôtre aussi sans doute ! feuille

Gilles Castelnau

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