Argent.
Il y a de quoi être révolté par lenvahissement
de largent dans les médias, par la place consacrée
à la Bourse et aux marchés ; on nous abreuve de Nasdaq,
Dow Jones, Cac 40, Indice Nikkei... « Le Monde » a même
repris son supplément hebdomadaire « Argent ! ».
Des journaux dits « de gauche » font des publicités
pour lachat de maisons ou dappartements, de voitures, pour
des voyages à des prix exorbitants. Seule une minorité
est concernée par ce genre dinformations. La fracture sociale
est banalisée. Nous sommes déjà trop souvent possédés
par ce que nous croyons posséder ; mais on nous rend là
plus dépendants de ce que nous navons pas que de ce que
nous avons.
Diaboliser largent est certes une autre manière
de le sacraliser. Il est le sang de léconomie. Il nest
pas un tabou. Il nest ni bon ni mauvais en soi. Tout dépend
de lusage quon en fait. Si largent pour soi peut être
une préoccupation bassement matérielle, largent
pour les autres correspond à une vérité hautement
spirituelle. Mais son étalement impudique aux yeux des démunis
et des victimes de nos injustices est une forme de violence et dinsulte
permanente.
Parlant dune libération à vouloir
et dune communion à construire, Wilfred Monod disait en
1900 en chaire que le jour où « la société
cherchera, premièrement, le Royaume et la justice de Dieu, le
Saint-Esprit ne commandera plus aux apôtres de maudire largent
(ou ce qui le remplacera), car il sera devenu loutil béni
de la miséricorde et de la droiture, le véhicule de la
vérité sociale, un moyen de grâce, un sacrement.
En ce temps-là, le riche devant son coffre-fort sera comme le
prêtre à lautel ; il sera linstrument de la
pensée divine à légard du monde » (LÉvangile
du Royaume).
Laurent
Gagnebin