Olivier Guivarch : Quel est le
nom exact de l’Église vaudoise en Italie ?
Valdo
Bertalot : Notre Église s’appelle l’Église
évangélique vaudoise. Mais depuis les années 1970,
on peut aussi dire l’Union des Églises évangéliques
vaudoises et méthodistes. Elle fait partie de la Fédération
des Églises Évangéliques en Italie née dans
les années 1960, qui regroupe les Vaudois, les Baptistes, les
Luthériens, l’Armée du Salut, les Méthodistes
et quelques Églises pentecôtistes ; nous appartenons bien
sûr à l’Alliance Réformée Mondiale.
O. G. : Comment s’est passée cette union institutionnelle
entre Vaudois et Méthodistes ?
V. B. : Très naturellement car il s’agissait de deux Églises
historiques. Les Vaudois ont reconnu le prédicateur local de
type méthodiste dans la tradition de Wesley, les méthodistes
ont accepté le synode national composé à part égale
de « laïcs » et de pasteurs. Le synode élit
la « Table vaudoise », composée de sept membres,
dont quatre pasteurs, qui ont habituellement un mandat de sept ans.
Son président, élu chaque année, est appelé
« modérateur ». Mais il faut savoir qu’on parle
d’une petite Église de 45 000 membres environ !
O. G. : Où vivent-ils ? Dans le Piémont uniquement,
comme le veut l’image d’Épinal ?
V. B. : Un tiers vit en effet dans les vallées vaudoises au
nord de l’Italie, où s’étaient établies
des communautés de disciples de Pierre Valdo dès le XIIe
siècle. Un autre tiers provient du reste de l’Italie avec
de grandes communautés particulièrement dans les villes
(Rome, Turin, Milan, Venise, Florence, Naples et Palerme). Le dernier
tiers, soit quand même 15 000 personnes, est installé en
Amérique du sud, principalement en Argentine et en Uruguay.
O. G. : Vu de l’étranger, on a du mal à imaginer
l’existence d’une Église protestante institutionnelle
dans un pays qui abrite le Vatican...
V. B. : Nous tenons certes une position minoritaire et la répression
a été farouche dans le passé ; les Vaudois en tirent
dans une certaine mesure une mémoire bien vivante. L’État
italien n’est pas aussi laïc qu’en France, les Églises
protestantes préfèreraient justement une laïcité
à la française. Tout de suite après 1945, une forme
de répression policière a encore partiellement subsisté
dans le Sud du pays. Des procès et les décisions de la
cour constitutionnelle ont heureusement sauvegardé la liberté
religieuse. Pour autant, je pense qu’aujourd’hui la diversité
religieuse existe ; il y a moins de préjugés et plus de
tolérance. L’Église catholique elle-même se
trouve face à des défis et des critiques.
O. G. : En parlant de préjugés, comment les Vaudois
sont-ils perçus en Italie ?
V. B. : L’Italien moyen évoquerait l’austérité,
l’attachement à la République et à la démocratie
car les Vaudois ont soutenu l’unité italienne, le risorgimento.
Au niveau médiatique, il n’y a pas de personnalités
vaudoises marquantes, à part Giorgio Spini, le père de
l’historiographie italienne, décédé cette
année. Il était reconnu et très respecté.
Il n’a d’ailleurs pas hésité à défendre
les Assemblées de Dieu quand elles étaient en difficulté
avec l’État.
O. G. : Quels sont les autres protestants ?
V. B. : Si l’on additionne l’ensemble des communautés,
on peut compter un demi-million de protestants italiens. Au-delà
des Églises déjà mentionnées, les missions
venues d’Amérique du nord et du sud sont très actives,
constituant des communautés charismatiques très prosélytes,
auxquelles il faut ajouter les Églises établies, comme
les Adventistes et les Assemblées de Frères par exemple.
L’Église vaudoise est la seule à pouvoir se prétendre
« indigène » !
Le phénomène le plus important depuis trente ans, c’est
l’immigration. L’Italie qui était une terre d’émigration
est devenue attractive. Presque un autre demi-million des protestants
italiens sont des migrants d’origine africaine en grande majorité,
et cette sociologie a un impact dans la vie cultuelle et dans la réflexion
théologique. Des difficultés peuvent apparaître
mais j’y vois une richesse pour les débats.
O. G. : Quelles difficultés ?
V. B. : Des différences théologiques et éthiques
séparent les Églises. L’interprétation du
texte biblique, l’organisation de la communauté, les questions
de société et notamment celles liées à la
morale, aux rapports entre les hommes et les femmes. Je pense à
l’euthanasie, à l’homosexualité.
O. G. : Quelle est la spécificité des Vaudois au sein
de cette diversité ?
V. B. : Je ne peux parler que pour moi. Je suis attaché à
la liberté dans la responsabilité en tant que croyant.
Mon idée d’Église est celle d’une Église
libre dans un État libre, fidèle à l’Évangile,
attentive aux problèmes politiques, économiques et sociaux,
défendant une éthique ouverte et respectueuse de l’individu,
développant une activité diaconale.
O. G. : Vous êtes responsable de la Société Biblique
Italienne (SBI) ; c’est l’occasion de dire quelques mots sur
cette institution plus que centenaire.
V. B. : La SBI est indépendante des Églises sur le plan
juridique et n’est pas officiellement liée au culte protestant.
Elle est encore, pour l’aspect commercial de la distribution, techniquement
liée à la Société Biblique britannique mais
avec sa propre autonomie nationale. Historiquement, la Société
Biblique britannique transmettait la responsabilité de la Société
Biblique locale à une personne qui faisait partie d’une
Église ou à un groupe d’Églises protestantes
organisées, dès que la liberté religieuse le permettait.
Jusqu’à aujourd’hui le secrétaire général
de la SBI a été choisi au sein de l’Église
vaudoise.
O. G. : Quelles sont les activités de la SBI ?
V. B. : Comme la SBF en France ! Nous traduisons, imprimons et distribuons
le texte biblique. C’est une activité commerciale. Nous
adaptons le texte au public visé : les aveugles, les personnes
âgées, les personnes maîtrisant mal la langue italienne,
etc. Le langage doit être toujours compréhensible, pour
que chacun puisse lire la Bible. 
par Valdo
Bertalot,
Propos recueillis par Olivier
Guivarch