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Numéro 217
Mars 2008
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Progrès scientifiques, prévisions météo de plus en plus précises : l’homme contemporain peut avoir l’impression d’une certaine maîtrise sur ce qui paraissait autrefois mystérieux et divin. Pourtant en 2008 se pose la même question qu’au temps de l’Ecclésiaste : comment agir ?

Agir : et Dieu dans tout cela ?
(L’Ecclésiaste 11,1-6)

Les livres bibliques dits « de sagesse » proposent à l’homme des règles de conduite, par de courtes maximes (les Proverbes), ou sous forme d’un traité plus construit comme le livre de Qohéleth (ou Ecclésiaste), connu pour son pessimisme et résumé par son leitmotiv : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Cependant au chapitre 11 se profilent quelques versets qui contrastent avec cette tonalité sombre : invitation à une action résolue et même folle dans le paradoxe du verset 1 : « Lance ton pain à la surface des eaux ». Ce passage débute et se clôt par des invitations à agir comme autant d’impératifs : « Lance, donne, sème, ne laisse pas reposer ta main ». Au centre, les versets 3 à 5 semblent en contraste appeler au scepticisme, tant les mystères de la nature sont impénétrables : « Qui observe le vent ne sème pas », « tu ignores le cheminement du souffle vital, comme celui de l’ossification dans le ventre d’une femme enceinte ». Cet inconnaissable se résume avec l’énigme ultime : « Tu ne peux connaître l’œuvre de Dieu ». Cette ignorance d’un homme qui semble n’avoir aucun repère pour guider ses choix revient comme un refrain, quatre fois de suite (versets 2, 5a, 5b et 6) : « Tu ne sais pas, tu ignores ».

Les actions décrites aux versets 1 et 2 sont diversement interprétées par les commentateurs. Pragmatisme, avec des allusions au commerce, le pain lancé sur les eaux étant le fret de navires de grain. Le verset 2 : « Donne une part à sept et même à huit personnes car tu ne sais pas quel malheur peut arriver » signifiant à peu près : « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » représenterait une sorte d’assurance. Ou générosité si le partage avec « sept ou même […] huit », c’est-à-dire une multitude (indiquée par l’augmentation de 1 du chiffre), n’est plus une assurance personnelle contre le malheur, mais une façon d’en protéger les autres. De nombreux passages de l’Ancien Testament prônent la bonté envers les malheureux. Mais, outre que l’interprétation « charitable » n’est qu’une hypothèse, cette générosité n’obéit pas à un commandement divin. Car le livre de Qohéleth présente une vision de Dieu bien particulière. Dieu y est plutôt lointain : peu de traces de culte, de prières, de relations « affectives ». Du côté de Dieu, pas de trace d’amour envers les hommes qu’il maintient dans l’ignorance de ses projets pour les amener à la sagesse et l’humilité. Face à ce Dieu énigmatique, qui revêt souvent les traits d’un destin allouant bonheur et malheur quasiment au hasard, l’homme de Qohélet ne s’en tire dans ce passage que par une action étonnamment positive et audacieuse. C’est sans un rapport explicite avec Dieu que se déroule la journée décrite au verset 6 « Le matin, sème ta semence et le soir, ne laisse pas reposer ta main ». Cette vision peu religieuse nous est précieuse pour clarifier le rôle de Dieu dans le cours de choses et le dégager d’une implication qui le fait présider parfois abusivement à tous nos actes : le signe de croix avant le tir au but en est l’image extrême ! Malgré son ignorance, l’homme n’est pas écrasé par une création indéchiffrable où il marcherait en aveugle, comme le jouet de Dieu. Dieu est bien l’auteur de cette création (« lui qui fait toutes choses », v. 5) mais sans en être totalement absent, il laisse à l’homme un espace d’action et de choix. S’il y a bien des lieux d’énigme, ils sont dans cet espace à la fois aléatoire et audacieux, heureusement libre d’un Dieu qu’il n’est pas nécessaire de convoquer plus qu’il ne convient : soit pour fabriquer à ces énigmes des réponses toutes faites, soit pour s’en protéger de façon superstitieuse. Entre les deux, un homme « adulte », capable d’entreprendre et de réussir plusieurs actions « également bonnes » (v. 6). feuille

par Christine Durand-Leis


 

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