Quand avez-vous écouté «
La Callas » pour la première fois ?
Au début des années 70, grâce à mon professeur
de français, au lycée à Marseille. Jai tout
de suite été bouleversé par sa voix, par son interprétation.
Je me souviens, cétait Norma, lopéra de Vincenzo
Bellini. Mon professeur de danse me prêtait ses disques pour que
je puisse mieux la découvrir.
Lopéra est-il une passion précoce
?
Jai découvert lopéra très tôt,
mes parents et ma grand-mère chantaient des airs et mon oncle
mavait emmené à 8 ans voir Lauberge du cheval
blanc (une opérette de Ralph Benatzky) à lopéra
de Marseille.
En fait, dès la maternelle jaimais chanter et danser,
javais le rythme dans la peau et une voix juste. Enfant déjà,
je souhaitais exercer une profession artistique. À 14 ans, jai
commencé à suivre des cours de théâtre et
de danse ; à 18 ans, je suis devenu danseur professionnel, dabord
en Suisse, puis je me suis produit dans quelques spectacles à
lOpéra de Marseille, et à létranger
avant dintégrer le corps de ballet au Grand Théâtre
de Tours pour des ballets et des opéras.
Comment considérer Maria Callas ?
Elle a révolutionné lopéra ! La mise en
scène dans les années 40 et 50 se résumait aux
costumes. Maria Callas a plus exactement réinventé la
manière dinterpréter. Par ses jeux scéniques,
elle habitait le rôle, elle était imprégnée
par la musique, nhésitant pas à se jeter par terre
; comment décrire les mouvements du corps, lexpression
des yeux ? Dans La Gioconda (opéra dAmilcare Ponchielli),
on perçoit même des sortes de sanglots, cest incroyable
! Dans Aïda, de Giuseppe Verdi, Maria Callas ajoute une note aiguë,
le délire dans la salle, une hérésie à lépoque
! Mais cétait fait avec intelligence, son interprétation
a ainsi influencé les chanteurs et les cantatrices qui lont
suivie.
Lopéra avec Maria Callas devient un spectacle. Cest
pourquoi je préfère les enregistrements en public, sur
le vif, parce quune surprise pouvait se produire.
Elle avait une voix exceptionnelle, avant bien sûr son accident
en 1964.
Jaime Maria Callas, depuis sa révélation en 1949,
encore et toujours. Sa voix était devenue certes plus stridente
à cause dun régime et dune fréquentation
de rôles trop lourds qui lui avaient fait perdre en qualité
et en rondeur, avant 1964 et cet accident vocal dans La Norma à
lopéra de Paris, que tout le monde connaît.
Mais quelle voix malgré tout ! Une puissance, une tessiture
à trois octaves : « La Callas » pouvait aller du
mezzo alto au soprano coloratura. Elle adorait Rosa Ponselle parce quelle
avait une voix sombre, elle sen est inspirée pour trouver
les notes graves dans la poitrine. Or, les compositions de Verdi et
Puccini, que Maria Callas a interprétées particulièrement,
exigeaient des notes graves pour accentuer laspect dramatique.
Maria Callas naimait pas vraiment Mozart, cest dommage
car elle aurait pu interpréter merveilleusement certains rôles
: Electra dans Idomeneo ou Vitellia dans La clemenza di Tito.
Parmi la nouvelle génération,
qui retenez-vous ?
Je me méfie, aucun espoir na duré : elles vont
trop vite, trop de voyages, trop de récitals, trop de rôles
différents et difficiles qui leur font perdre les aigus à
force de faire « lascenseur » et de trop « poitriner
» (note grave rendue par la poitrine, NDLR). Elles chantent dix
ans et cest terminé.
Je préfère donc attendre. Pour le moment, Maria Callas
et seulement quelques autres, dont Rosa Ponselle, Magda Olivero ou Joan
Sutherland, me donnent de tels frissons. 
Karim
Cermolacce
Propos recueillis par Olivier Guivarch