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Numéro 220
Juin-Juillet 2008
( sommaire )

 

Cahier : Éthique et morale,
par Axel Kahn

Est-il possible à un être humain de vivre sans se poser la question du bien et du mal ?

Au Ve siècle avant J.-C., Socrate pensait que l’homme ne pouvait pas faire sciemment le mal ; l’important était donc de le rendre conscient : « Connais-toi toi-même ». Un siècle plus tard, Aristote écrivait son « Éthique à Nicomaque », texte dans lequel il assignait comme fin à la vie l’épanouissement de l’être humain, se réalisant dans la vie de la Cité, sous la conduite de la raison et des actions estimées bonnes. Cet ouvrage eut une influence prépondérante jusqu’au XVIIIe siècle. Kant introduisit alors une « morale du devoir » : la valeur d’une conduite se mesure au respect d’un devoir qui s’impose à l’homme.

Hieronymus Bosch, Chemin de croix. Musée des Beaux-Arts de Gand. Photo D.R.

Hieronymus Bosch, Chemin de croix. Musée des Beaux-Arts de Gand. Photo D.R.

Aujourd’hui, on différencie « Éthique » et « Morale ». Le philosophe Paul Ricœur écrit : « Je réserverai le terme d’ “éthique” pour la visée d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes (héritage aristotélicien), et celui de “morale” pour le côté obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par une exigence d’universalité et par un effet de contrainte (héritage kantien). » Si Ricœur affirme la primauté de l’éthique sur la morale, il affirme aussi la nécessité d’obligations, de lois, pour la même raison qui faisait dire à Paul (Rm 7,19) : « Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. » Cependant, de l’application des lois à des cas concrets découlent parfois des conflits qui ne peuvent être résolus que par une « sagesse pratique ». Aristote l’avait remarqué : « La loi est toujours quelque chose de général et il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec certitude. » L’euthanasie en est un bon exemple.

Une citation de Paul Ricœur complète la réflexion :

« La pensée spéculative est tirée en arrière vers l’origine : “D’où vient le mal ?”, demande-t-elle. La réponse – non la solution – de l’action, c’est : “Que faire contre le mal ?” Le regard est ainsi tourné vers l’avenir, par l’idée d’une tâche à accomplir, qui réplique à celle d’une origine à découvrir. »

Axel Kahn, médecin généticien, a publié en février 2008, en collaboration avec Christian Godin, philosophe, L’Homme, le bien, le mal, chez Stock. Axel Kahn est président de l’université Paris-Descartes et Directeur de l’Institut Cochin ; il a été membre du Comité consultatif national d’éthique de 1992 à 2004. Le 3 février 2008, il a donné une conférence au Foyer de l’Âme à Paris, sur cette question du bien et du mal. Le texte qui suit est la retranscription de cette conférence d’après un enregistrement, et son style reste « oral ». Mais la qualité de son contenu est telle qu’il nous a semblé intéressant de le publier tel quel. feuille

Marie-Noële et Jean-Luc Duchêne

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L’Homme, le bien, le mal
par Axel Kahn

Francisco Goya y Lucientes, Caprice. Le sommeil de la raison génère des monstres. Photo D.R.

Francisco Goya y Lucientes, Caprice.
Le sommeil de la raison génère des monstres. Photo D.R.

On connaît le texte de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout n’est que vanité ; tout ce qui a été sera. » Comment le scientifique qui sait qu’il construit l’avenir, un avenir qui n’a jamais été, qui sera différent de tout ce qui a été, reçoit-il cette sagesse ? Est-il étonné ? Est-il perplexe, voire même irrité par cette circularité de la pensée ? En réalité non, parce que c’est une des données importantes de la manière dont on peut envisager le futur, et notamment le futur de l’homme. Ce futur de l’Homme est caractérisé par une ambiguïté.

D’une part, comme le scientifique que je suis vous l’a dit, en effet demain sera différent d’aujourd’hui. Demain les connaissances se seront encore accrues, et le rythme de l’accroissement des connaissances aura continué de ne connaître sans doute aucune pause. Un accroissement exponentiel de la connaissance permettant de développer des techniques, de développer des moyens mis au service de l’acquisition de la connaissance. Ces techniques changeront le monde. Pour le meilleur nous l’espérons, pour le pire nous le craignons. Et nous ne savons pas très bien ce que sera ce monde dans lequel nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants auront notre âge.

Et pourtant d’un autre côté en effet la Bible à raison. Le texte de l’Ecclésiaste dit vrai. Aujourd’hui comme du temps de Platon, comme du temps du roi David et comme demain, comme dans cent ans, comme dans cinq siècles, il y aura des femmes et des hommes qui aimeront, qui haïront, qui connaîtront l’envie, le désir, la jalousie, la fureur, le désir de puissance, qui connaîtront également des grands enthousiasmes, des grandes pulsions de générosité.

Et là, en quelque sorte, est dressé le tableau, dans sa singularité, qui est celui de notre avenir. Un homme qui crée un environnement intellectuel de connaissances techniques, laissant une empreinte profonde sur tout ce que nous faisons, sur tout ce que nous voyons, sur les milieux où nous vivons, et d’un autre côté, un homme qui est d’une immuabilité d’âme totalement étonnante. Comment cet homme immuable arrivera-t-il à faire son affaire de ce monde dans lequel ses puissances auront plus que décuplé ? C’est bien sûr la vraie question qui se pose et notamment aujourd’hui... feuille

(l'article complet sera en ligne en janvier 2009)

Axel Kahn

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