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Ouverture et Actualité

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Actualité cinématographique

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Film : «Last Days», Réalisation et scénario Gus Van Sant ( USA) avec Michael Pitt, Lukas Haas, Asia Argenta…Durée: 1h 37.

Après Gerry et Elephant, Last Days constitue la trilogie sur l'effondrement et l'irrémédiable fin de l'être humain, où "A chaque fois unique la fin du monde" en référence à l'ouvrage du philosophe Jacques Derrida.

Abandonné à lui-même, un homme erre dans une forêt sans trop savoir quoi faire. Il marmonne, émet le plus souvent des borborygmes. Est-ce un retour à "mère nature"? Il retrouve une maison elle aussi perdue dans la forêt où la déchéance a pris le pas sur la vie. Quelqu'un l'appelle mais il fuit.

Nous apprenons qu'il se nomme Blake, qu'il s'est échappé d'un hôpital psychiatrique et qu'il devait être un musicien célèbre. Il poursuit son errance dans sa maison et autour de celle-ci, plongé dans ses tourments et objet de pulsions extravagantes et insensées. Ses copains lui sont d'aucun secours, ils sont d'une insignifiance totale et peinent à combler leur ennui. La communauté de Blake se délite elle aussi et les rencontres sont des agressions: visites commerciale de Monsieur "Pages jaunes" et religieuse des jumeaux mormons. On ne sait même plus parler de sentiments ni de Dieu! Blake n'a qu'une solution pour abréger ses délires, sa souffrance, son agonie: s'effondrer, dormir, mourir. Il s'extirpe d'ailleurs avec peine de son corps resté sur cette terre infâme.

Le film, quasiment sans parole, crée une atmosphère inquiétante et morbide où le son joue un rôle primordial: les hurlements, les bruissements anciens avec les cloches, les morceaux de musique choisis remplissent le vide existentiel de Blake. Avec ses formules cinématographiques qui portent sa signature (reprise de scènes mais sous un autre angle, dos filmés, rupture du déroulement, images fixes distendues par de légers travellings …), Gus Van Sant crée dans la confusion une sorte de fascination. En imaginant, sans le dire, les deux derniers jours de l'existence et le suicide de Kurt Cobain, musicien du groupe Nirvana, le réalisateur amène le spectateur à voyager en compagnie d'un spectre blond dans sa dérive envoûtante et compulsive jusqu'à la destination finale. L'interprétation de Michael Pitt qui a travaillé pendant deux ans pour être habité, hanté, incarné par ce rôle, est impressionnante.

Quelle admirable reconstitution mentale mais quelle épreuve pour le spectateur de vivre ce désespoir et cette agonie!

Pierre Nambot

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Film : «Kingdom of heaven», Réalisé par Ridley Scott (USA) avec: Orlando Bloom, Liam Neeson, David Thewlis, Eva Green. Durée 2h25.

Les superproductions ne sont pas "ma tasse de thé" mais je suis néanmoins allé voir ce film pour au moins deux raisons: le thème sur les croisades mérite une attention toute particulière vis à vis de la problématique religieuse et politique, de plus Ridley Scott est l'homme de tous les défis. C'est en effet un défi que de s'engager dans ce style de film qui connaît actuellement beaucoup d'échecs commerciaux ( Troy, Alexandre, King Arthur).

La 1ère partie du film, qui correspond au tiers de la durée du film, est assez décevante. Elle se présente comme un documentaire mais c'est lourd, avec des explications fastidieuses sur la chevalerie dont les codes se modifient au gré des intérêts en jeu et sur les arcanes politiques et religieuses d'une l'Eglise corrompue. Scott semble se soucier assez peu de l'histoire, et la transformation de Balian, un bâtard forgeron orphelin et veuf, en chevalier relève presque du miracle. La crédibilité du personnage est vraiment mise à mal quand nous voyons notre jeune et valeureux chevalier "chasser l'infidèle" en compagnie de seigneurs assoiffés de sang et d'or avant de se convertir au précepte de la tolérance, pour les beaux yeux d'une princesse et l'honneur d'un roi lépreux. Le jeu inexpressif d'Orlando Bloom n'arrange rien! Les choses s'améliorent quand un peu pour arriver en dernière partie, au siège et à la prise de Jérusalem.

Si cette dernière mise en scène grandiose confirme la maîtrise d'un des plus habiles spécialistes en matière de films à grands spectacles, Scott se focalise davantage sur l'aspect humain. Même s'il exploite au maximum l'attente du combat, la peur naissante et l'excitation humaine face à la mort, c'est plus ou moins bien réussi. Dans cette 3ème guerre sainte médiévale, les templiers qui veulent conquérir "le royaume des cieux", sont présentés comme des fondamentalistes exaltés qui justifient des actions de renégats aux cris de "Dieu le veut!". En opposition apparaissent Baudouin IV, le pacifique roi de Jérusalem, le sultan Saladin avec l'élégance de sa morale et en toile de fond une trop belle idée des cultures catholique et musulmane.

Ce film est un mélo fait de bons sentiments et d'élans humanistes très hollywoodiens. En présentant le juste combat du Bien pour vaincre "l'axe du Mal", il reflète en partie les aspects du conflit actuel au Proche-Orient; le réalisateur s'attend d'ailleurs à une réaction de la droite religieuse américaine.

En conclusion je pense que de nombreux spectateurs verront ce film avec plaisir et se passionneront pour les trahisons et les complots présentés avec un certain suspens. Pour ma part il ne m'aura pas converti au genre d'expression cinématographique à grands spectacles! .

Pierre Nambot

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Film : « Les yeux clairs », De Jérôme Bonnel (France) avec Nathalie Boutefeu, Marc Citti, Judith Remy, Lars Rudolph… Durée: 1 h 27.

Très vite le spectateur s'interroge sur la personnalité de Fanny. Qui est-elle? D'où vient-elle? Son comportement surprend car ses gestes sont maladroits et nerveux, son regard inquiet scrute tout ce qu'il perçoit. C'est inquiétant et nous attendons qu'il se produise un événement important. Fanny vit pourtant dans un cadre familial normal avec son frère et sa belle-sœur. Progressivement le trouble et la tension s'installent, des indices nous amènent à penser que Fanny a subi un choc et que la blessure occasionnée se réveille de temps à autre faisant oublier à Fanny les règles fondamentales de la vie. Elle voudrait se faire oublier mais on ne voit qu'elle, on ne remarque qu'elle! Un jour elle décide de rejeter cette société qui l'enferme, de s'assumer et de faire ce qui l'a toujours obsédée: partir sur les traces de son enfance et trouver la tombe de son père. Chemin faisant elle rencontre un bûcheron qui vit au milieu des bois. Il est comme elle solitaire et son faciès barbu au regard sauvage fait penser à un de personnages sortis des contes de Grimm. Pour Fanny, son voyage initiatique et cette rencontre avec un individu qui ne parle pourtant pas sa langue, aboutit au résultat inespéré: un calmie intérieur et sans doute un deuil accompli.

C'est une superbe fiction qui nous amène à réfléchir sur la solitude pouvant conduire à une déviance, voire une névrose, en tout cas à une grande solitude. La société ignore ou feint d'ignorer ces situations alors que cela peut arrive à chacun d'entre nous.

La mise en scène est remarquable et peut nous faire penser à Jean Renoir et Robert Bresson: espace ouvert, caméra captant les attitudes, les gestes les regards, les arbres, le vent, les oiseaux…Pour vivre l'intériorité des personnages, en particulier dans la 2ème partie, nul besoin de parole, simplement quelques mots comme pour donner davantage de force aux images et à la musique. Les interprétations sont fabuleuses et particulièrement Nathalie Boutefeu, que nous avons déjà vue dans les œuvres d'Assayas, Ruiz, Chéreau, Desplechin, et qui est ici époustouflante.

C'est le 2ème long métrage de Jérôme Bonnel .N'oubliez pas ce nom, c'est un jeune qui promet.

Pierre Nambot

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Film : « The taste of tea », Réalisateur Katsuhito Ishii (Japon) avec Tadanobu Asano, Takahiro Sato…Durée: 2 h 23.

Vous souhaitez oublier un instant les vicissitudes de la vie occidentale et vous plonger dans un univers enchanteur et magique, alors allez voir The taste of tea.

C'est un film de 2 h 23 et pourtant vous ne verrez pas le temps passer. Vous serez comme tous les spectateurs, rivés à votre siège en regrettant que le film se termine. C'est une apothéose de scènes magiques et poétiques aux cadres et couleurs indescriptibles. Les personnages appartiennent à une famille étrange mais unie par de solides liens d'affection et dont les actions se déroulent en douceur et agissent comme des leurres aux effets sidérants d'harmonie et d'émotion: un adolescent à la poursuite d'un train pour retrouver la fille de ses rêves, sa petite sœur qui cherche à se défaire de son double gigantesque qui la suit et l'épie, un grand-père karatéka contemplatif du geste, un fils hypnotiseur, une belle-fille perdue dans le graphisme et la chorégraphie.

Ce film est une pure merveille qui vous apportera avec cette "tribu" attachante, un pur moment de bonheur garanti et inoubliable.

Pierre Nambot

Film : « In your hands » Réalisation: Annette K. Olesen (Danemark) avec Ann Eleonora Jorgensen, Trine Dyrholm, Nicolaj Kopernikus, Lars Ranthe…Durée 1 h 41.

Si besoin était, l'actualité avec le nouveau pape nous amène à s'interroger une fois de plus sur l'avenir du christianisme et sur ceux qui sont chargés d'apporter la Parole. La cinéaste danoise n'hésite pas à nous mettre face à ce problème et qui plus est, à celui que rencontre une jeune femme qui veut exercer la fonction pastorale. Evidemment, cela ne concerne pas les femmes de l'Eglise Catholique et ce n'est d'ailleurs pas sous le pontificat de Benoît XVI que cela va se présenter. L'exemple que nous donne la réalisatrice est celui d'Anna qui débute et qui, compétente, dévouée et méritante, assume parfaitement le remplacement d'un pasteur homme dans un milieu carcéral. Elle établit progressivement le dialogue, se fait même applaudir dans sa prédication et a du monde pour communier même si cette cérémonie peut correspondre pour certain(e)s à une attente dégustative. Les difficultés ne sont pas là où on pouvait les attendre. Anna est en effet confrontée à une rivale qui a aussi "affaire directement à Dieu" puisqu'elle a des dons surnaturels! La situation devient délicate lorsque notre pasteur en fait personnellement mais involontairement l'expérience. Cela devient catastrophique lorsque cette situation se cumule à des difficultés personnelles et à un échec retentissant puisqu'une détenue écrasée par sa culpabilité refusera de croire au pardon de Dieu. La foi d'Anna est alors terriblement mise à l'épreuve.

Dans le couple, dans une communauté religieuse, en prison, tout simplement dans la vie, faut-il oser ou ne pas oser placer sa vie entre les mains de quelqu'un et bien sûr de Dieu? D'ailleurs où Dieu était-il passé?

C'est un film très dépouillé et d'une grande intensité éprouvante, un film Dogma 95. A voir même si on peut lui reprocher d'aborder trop de sujets et trop rapidement.

Pierre Nambot

 


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