Dans un article paru
sur le site Internet «Christycity.com»
vous avez cru bon, Monseigneur, d’écrire quelques lignes
pour réconforter, dites-vous, ceux que la publicité
du livre de Albert Jacquard «Dieu?» aurait pu troubler
inutilement.
Albert Jacquard, qui se voit qualifié par vous
d’excellent biologiste, mais de piètre philosophe (sic),
n’est pas le seul à trouver le Credo poussiéreux.
Ainsi l’évêque épiscopalien
John Shelby Spong qui, à un de ses paroissiens qui lui disait
: «Lors qu'à l'église on dit le credo de Nicée,
ma conscience me dit que je suis malhonnête car je n'y crois
pas vraiment.» lui répondit : «Comme bien d'autres,
vous êtes victime des affirmations de l'Église. Elle
voudrait faire croire que les credo sont divinement inspirés
et qu'ils expriment si parfaitement la foi chrétienne qu'on
ne peut pas les mettre en doute. Mais ce n'est pas du tout vrai.
C'est au 3e siècle que les credo sont nés.
Ils variaient d'une communauté à l'autre et n'ont que
lentement évolué vers la forme qu'ils ont maintenant.
Par exemple le symbole de «Nicée-Constantinople»,
a été fixé précisément par les
conciles de Nicée en 325 et de Constantinople en 381. Mais
les votes y ont été acquis dans une telle ambiance de
marchandages et de compromis et les débats ont connu tant de
retournements de situation, que les délégués
auraient été les premiers surpris d'apprendre que leur
texte serait considéré dans la suite comme divinement
inspiré !
Le fait que dans la suite l'Église ait persécuté
et même brûlé vif ceux qui se permettaient de discuter
certains de ces articles montre à quel point les sentiments
d'insécurité de la vie et d'incertitude de la foi peuvent
rendre les hommes méchants, démoniaques et meurtriers.
Les credo représentent de simples jalons de l'état de
la doctrine à une certaine époque de la vie de l'Église.
Ils sont révélateurs des idées que l'on avait
alors.
Une naissance miraculeuse était, par exemple,
traditionnellement attribuée à un homme important. D'autant
plus que l'on ignorait à l'époque les processus de la
reproduction. Il ne viendrait aujourd'hui à personne l'idée
d'y voir une vérité scientifique. En disant que le Christ
est «descendu du ciel» et «monté au ciel», le credo assume naturellement la conception de son époque
où l'on croyait que la terre était au centre de l'univers
et que le ciel était au-dessus. Nous savons, depuis Copernic,
qu'il n'en est rien.
Les credo sont des hymnes d'amour que nous chantons
à notre Dieu ; nous laissons leurs paroles nous toucher mais
nous ne les prenons pas à la lettre. L'Église, un jour,
les réécrira. Mais cette nouvelle version deviendra
vite, elle aussi, obsolète et source d'erreur, car tel est
le sort de toutes les oeuvres humaines.
La raison d'être des credo, au-delà de
leur formulation, est de nous conduire au Dieu dont ils veulent témoigner.
Si nous les comprenons ainsi, ils nous aideront. Si nous les prenons
à la lettre, si nous en faisons les gardiens de la foi et de
l'orthodoxie, ils nous détourneront de Dieu. En fait nous devrions
les chanter plutôt que les réciter !»
De même, Hilary Wakeman, Prêtre anglicane,
Présidente du Réseau des Églises ouvertes d'Irlande
dans un article «For God's Sake: reasonable Religion»
Pour l'amour du ciel une religion raisonnable ! écrit : Le
texte du Credo fut adopté en l'an 325 au Concile de Nicée
convoqué par l'empereur Constantin pour régler l'hérésie
arienne.
La question que l'on peut se poser est pourquoi l'Église
utilise-t-elle encore de nos jours ce langage et cette problématique
tellement périmés au lieu de les mettre à jour.
On ne cherche pas dans les textes du 4e siècle
comment développer la médecine ou la biologie ou gérer
une entreprise. Pourquoi y cherche-t-on Dieu? Pense-t-on que les
évêques de Nicée étaient divinement inspirés? Mais on connaît les oppositions entre eux et leur rivalité
personnelle, leur désir de pouvoir. L'ambiance à Nicée
n'était pas différente de celle qui règne aujourd'hui
dans nos conseils d'Église dont personne n'aurait l'idée
de dire qu'ils sont divinement inspirés !
En attendant, dans les Églises où cet
ancien credo est encore en vigueur, bien des fidèles croisent
moralement les doigts derrière leur dos pendant sa récitation,
ce qui n'est pas sans provoquer un complexe de dissimulation, mal
justifié par le sentiment qu'il s'agit de protéger la
foi. De plus en plus les gens intelligents et cultivés se détournent
du christianisme dans la mesure où ils ne peuvent plus en conscience
adhérer à la liturgie du culte et en chanter les cantiques.
Il n'est évidemment pas bon pour l'Église
de demeurer dans une situation aussi malsaine. Les Églises
conservatrices, plus ou moins fondamentalistes, s'y sentent certainement
à l'aise mais le christianisme le plus ouvert, le plus libéral,
en est victime et a tendance à disparaître progressivement.
Le moment arrive où la foi chrétienne
sera uniquement représentée le fondamentalisme qui affirme
que la Bible entière est divinement inspirée et ne peut
contenir d'erreur et qui en même temps rejette le monde moderne,
la science, l'éthique et la théologie. Si l'on veut
éviter cette catastrophe, il faut repenser d'urgence notre
foi et notre manière de l'exprimer.
La difficulté est que l'on ne se rend pas compte
de la gravité de la situation. Les pasteurs et les prêtres
ne se permettent en général pas de mentionner dans leurs
sermons ces questions qui semblent aberrantes aux gens du dehors,
car ils craignent de scandaliser leurs paroissiens qui viennent encore,
alors que c'est justement ce silence qui les décourage et eux-mêmes
craignent de choquer en l'avouant.
La distance s'accroît entre les fondamentalistes
autoritaires qui sont en train de prendre le pouvoir dans les Églises
et les libéraux qui ne veulent plus venir.
Il nous faut vraiment repenser la doctrine chrétienne
: quel est sa finalité, quelle est son origine, pourquoi est-elle
si détaillée? Est-il vrai qu'elle soutienne la foi
de certains fidèles et en détourne d'autres de la foi? Est-ce bien elle qui est responsable de la crise actuelle de l'Église? Il faudrait maintenant proposer de nouvelles expressions de la foi
sans pour autant récuser les formulations traditionnelles auxquelles
bien des fidèles sont encore attachés et qu'ils ont
parfaitement le droit de conserver.
La religion n'est pas une science fondée sur
une série de faits indiscutables qui ont été
utilisés autrefois dans une conception du monde que nous n'avons
plus de nos jours. On ne doit plus obliger les fidèles d'aujourd'hui
à admettre la réalité historique de la naissance
miraculeuse d'un enfant, la résurrection physique d'un homme
sortant vivant de sa tombe après trois jours, sa possibilité
d'accomplir des prodiges, qu'il soit «d'une même substance» que l'indéfinissable Etre-Esprit-Force que nous appelons
«Dieu».
Les gens ont tendance à prendre le Credo pour
une présentation complète de la véritable foi
chrétienne, alors qu'il a été rédigé
au 4e siècle dans le but de résister aux idées
d'Arius concernant la personne du Christ. Et en réalité
beaucoup des doctrines actuellement en cours dans les Églises,
ne sont que des interprétations de l'Écriture parmi
d'autres qui proviennent de la tradition. Ainsi pour les interprétations
données de la mort de Jésus, de son oeuvre, de la doctrines
du péché, du paradis et de l'enfer, de Marie, de la
prière, des sacrements, et de la conception de Dieu qui en
découle.
Mais l'interprétation de tous ces points et
la conception même de Dieu a considérablement évolué
au cours des siècles et la tradition aussi a changé,
ajoutant ici et supprimant là...
Tony Windross, pasteur de la paroisse anglicane de
Saint Peter Sheringham, Angleterre, dans «Pourquoi dire le
credo?» précise lui aussi : «Le Credo fut composé
au concile de Nicée en l'an 325, par un groupe de théologiens
et d'hommes politiques, dont les discussions ne cessèrent d'ailleurs
pas à la fin du concile. Ce n'est qu'au concile de Constantinople,
en 381 que son texte fut définitivement fixé. Il entend
donner aux fidèles un résumé de la foi chrétienne.
Il se trouve cependant être parfaitement inutilisable dans la
mesure où quantités de ses affirmations sont absolument
non crédibles pour la plupart des gens. Nombre de fidèles
demeurent silencieux lorsqu'il est récité, omettent
d'en dire certaines parties ou ne le font qu'avec la mauvaise conscience
d'un sentiment d'hypocrisie.
Que peut-on en penser? L'Église n'est en rien
obligée de le dire et le plus simple serait naturellement qu'elle
s'en abstienne. Le credo a été imaginé par des
hommes et il peut être abandonné (ou ignoré) par
les hommes s'ils (nous !) le souhaitent. On pourrait d'ailleurs se
demande si nous avons vraiment besoin d'un credo.
Tout credo est un produit de son temps, comme par exemple
une poterie ancienne. Il faut être conscient du fait que le
réciter aujourd'hui ne signifie pas que nous avons les mêmes
conceptions que ceux qui l'ont jadis rédigé. Ce serait
impossible et d'ailleurs anormal car en 1700 ans le monde a beaucoup
changé ainsi évidemment que notre manière de
penser.
On a dit que le credo était comme l' «hymne national» de l'Église. Le proclamer signifie que
l'on s'en reconnaît membre, sans s'attacher forcément
au sens de chacune de ses phrases. Ce serait sans doute plus clair
si on le chantait au lieu de le parler : après tout on chante
quantité de cantiques dont les paroles sont tout à fait
bizarres, mais qui ne nous gênent pas car nous aimons leur mélodie.
Les croyants des siècles passés nous
tendent, il est vrai, une main que nous trouvons moite. Mais nous
devons être capables de la saisir sans qu'elle nous détourne
du Dieu vivant.
La foi chrétienne est contenue (fossilisée?) dans les mots d'autrefois. La formulation du credo est certainement
importante mais elle n'est pas définitive. En théologie,
rien n'est jamais définitif. Le danger des credo est qu'ils
font croire que tout est dit et qu'il n'y a plus qu'à répéter
indéfiniment les mêmes choses dans les mêmes mots.
En réalité à chaque génération
la question est posée de la manière dont elle présentera
la foi aux hommes de son temps dans le langage qui est le leur. Les
«Vérités éternelles» sont peu nombreuses
et leur contexte historique en cache le sens profond.
Exiger qu'au 21e siècle on prenne à la
lettre les affirmations de l'ancien credo, revient à laisser
la poussière du temps passé recouvrir la foi chrétienne.
Il nous revient de proclamer l'Évangile au monde qui vient.»
Me permettrez-vous, Monseigneur, de vous dire je n’ai
pas du tout apprécié, le paragraphe commençant
par "Une perle pour terminer" s’achevant par "Faut-il
un doctorat en théologie pour comprendre cela?" Qu’en
terme poli, raffiné et chrétien, on dit «Jacquard,
t’es con ou non?» Ce paragraphe, le voici dans son intégralité
: «Une perle pour terminer: l’auteur (Albert Jacquard)
voit une contradiction entre la foi en la sainteté de l’Eglise
et son histoire faite de grandeurs, mais aussi de misères et
de trahisons. Mais qui donc s’imagine que la sainteté
de l’Eglise signifie la sainteté de tous ses membres dans
l’histoire? L’Eglise est sainte par l’Ecriture Sainte
et le Saint-Sacrement de l’Eucharistie qui lui sont confiés,
elle est sainte par l’Esprit Saint qui, par la Sainte Tradition
des Apôtres, la maintient fidèle à la Révélation
au cours de l’histoire en dépit de toutes nos infidélités,
elle est sainte dans la Vierge Marie et dans tous les saints
et saintes qui sont la signature vivante de sa vérité,
mais pour le reste, elle est composée de pêcheurs, à
savoir vous et moi! Faut-il un doctorat en théologie pour comprendre
cela?» (les soulignements sont de moi)
Quand vous écrivez, Monseigneur, «tous
les saints» je suppose que vous y incorporez aussi :
- Saint Augustin, (354-430) évêque
de Carthage, l’inventeur du «Péché originel», Docteur de l'Eglise, qui est considéré comme
le plus grand penseur de l'église antique, et sa Théorie
de la guerre juste servira plus tard à justifier les croisades.
Saint Augustin, le saint patron des talibans, qui a lancé
: "A Rome, les temples sont fermés, les idoles détruites
! Comme à Rome, ainsi à Carthage". Avec comme
conséquence que des bandes de catholiques enragés
se lancent alors à l'assaut des statues et temples encore
debout en ville et les détruisent.
- Saint Cyrille (Docteur de l'Eglise),
évêque d'Alexandrie en 412. Celui qui excite les sentiments
antisémites diffus parmi les chrétiens de la ville,
et, à la tète d'une foule de chrétiens, incendie
les synagogues de la ville et fait fuir les juifs. Celui qui encourage
ensuite les chrétiens à se saisir des biens que les
juifs ont dû laisser derrière eux. Hypathia, la dernière
grande mathématicienne de l'école d'Alexandrie, par
ailleurs fille de Théon d'Alexandrie, directeur de la bibliothèque,
est tuée par une foule de moines chrétiens inspirés
par Cyrille, patriarche d'Alexandrie, Saint Cyrillle.
- Saint Grégoire (540-604),
le pape Grégoire I, dit Le Grand, considéré
comme l'inventeur de la croisade. En effet, il envoie à Gennadius,
gouverneur d'Afrique pour l'Empire Romain d'Orient, une longue lettre
l'incitant à "engager de nombreuses guerres" ayant
pour but de convertir de force au christianisme les populations
des terre conquises. Ce saint homme est aussi un farouche adversaire
des sciences et de la connaissance rationnelle. L'on connaît
de lui une lettre à l'évêque de Vienne (France)
où il écrit: "Nous avons eu voix d'une information
dont je ne peux référer sans honte: il semble que
dans ta congrégation l'on enseigne la grammaire". Outre
la grammaire, il décourage ou interdit l'enseignement de
la culture gréco-romaine en général, y compris
les langues, la science, la philosophie et la mythologie.
- Saint Bernard de Clairvaux (1090 –
1153) canonisé dès 1174, puis promu à
Docteur de l'Eglise en 1830 avant d'être proclamé Doctor
Mellifluus en 1953 par le pape Pie XII. Les prêches de Saint
Bernard pour la 2è croisade convainquent maints jeunes européens
d'aller exterminer les hérétiques en Orient. Après
avoir, en 1146, prêché pour la 2è croisade ensemble
avec le roi de France en personne, il va en Allemagne prêcher
la bonne parole avec une formule simple: la participation à
la croisade est une bonne affaire, car elle donne automatiquement
l'indulgence plénière pour tous les péchés.
Pour Saint Bernard, les armées des croisés doivent
offrir à tous les païens rencontrés le choix
suivant: "Extermination ou Conversion" (Vernichtung oder
Bekehrung). Ensuite, la formule deviendra, pour des raisons de marketing
& communication "La mort ou le baptême" (Tod
oder Taufe).
- Saint Tomas, (1225-1274) - Docteur
de l'Eglise, théoricien de l'exterination des hérétiques
et Docteur angélique. Saint Thomas est encore considéré
aujourd'hui comme le grand philosophe catholique. En particuliers,
sa Summa Teologica est l'oeuvre de référence de la
scholastique catholique et est amplement et souvent cité
par le pape Jean-Paul II dans ses encycliques. Saint Thomas justifie
entres autres, dans la Summa Teologica, la nécessité
de tuer les hérétiques. [Summa Teologica, Secunda
Secundae Pars, Question 11, l'Hérésie, article 3]
- Saint Pie IX, l’inventeur de
l’«Immaculée Conception de Marie» en 1854,
l’auteur en 1864 du Syllabus (recueil des principales erreurs
de notre temps), lequel est ratifié par le concile du Vatican.
Ce catalogue condamnait la liberté de religion, de conscience,
de la parole, de la presse écrite, et des découvertes
scientifiques qui sont désapprouvées par l’Église
romaine ; il défendait l’autorité temporelle
du pape sur tous les dirigeants civils. Saint Pie IX, le premier
homme a oser se proclamer infaillible !!! sur les questions de la
foi et de la morale.
Et je terminerai, Monseigneur, en paraphrasant une
de vos phrases dans votre texte: «Personnellement, moi, je ne
découvre pas le pouvoir éclairant de la foi chrétienne,
telle qu’elle est résumée dans le Credo».
Avec toutes mes salutations,