L.G. : La dimension dun islam libéral est-elle un
phénomène actuel ou quelque chose qui a toujours existé
?
M.C.
: Phénomène récent dans sa formulation, lislam
libéral est très ancien quant au contenu. Plusieurs générations
de philosophes se sont battues contre le préjugé dune
religion qui serait contraire au jugement personnel. Je signale seulement
le fait quAverroès (1126-1198), que lOccident tient
pour un grand commentateur dAristote, naurait jamais pu
exister sans les grands maîtres, représentants dun
islam éclairé, layant précédé
: Al-Kindi (796-870), Al-Farabi (872-950), Al-Ghazzali (1058-1111).
Que pensez-vous dune lecture historico-critique du Coran
?
La lecture critique de la tradition islamique est contemporaine du
grand reflux qui a poussé plusieurs centaines de milliers de
musulmans à quitter soudainement la Péninsule ibérique,
en 1492. Lislam nétant plus la religion de référence,
les élites se sont mises à linterroger de manière
plus critique. Mais cette tendance a été jusquà
nos jours minoritaire et sans grand effet sur la structure, ni dailleurs
sur le fonctionnement de lislam, hélas.
Quels sont les principes théologiques dun islam libéral
?
Le premier principe théologique dun islam libéral
est celui qui est mis en uvre lorsquon parle de liberté,
déquité et de responsabilité. Quelle est
la place de lautre dans le dispositif de la connaissance, quelle
herméneutique ou interprétation du Coran, quelle dignité
de lhumain, quelle vénération du Seigneur, etc.
? Le chantier est vierge, mais je serai le dernier à évoquer
la morale, laissant cet aspect à ceux qui utilisent non pas lintelligence,
mais la peur, non pas ladhésion volontaire, mais la contrainte.
Le
Coran enseigne-t-il linfériorité de la femme par
rapport à lhomme ?
Le Coran ne parle ni de femmes ni dhommes, il parle des croyants
et des croyantes. Comme il ne fait aucune discrimination entre un croyant
et un autre, toute infériorité du statut de la femme est
fondamentalement liée à la société où
celle-ci habite, et, bien sûr, à la relation quelle
a avec le groupe des hommes. Pour peu que ces hommes soient un tant
soit peu misogynes, cela donnera des imams rétrogrades qui interpréteront
les versets du Coran sans tenir compte de lévolution des
mentalités.
Que représente Jésus pour vous ?
Jésus est un grand prophète, un législateur.
Le Coran en parle avec beaucoup de respect. Marie y est également
présente puisque son histoire est racontée dans le détail.
Les autres prophètes bibliques sont tous nommés, mais
la place occupée par Jésus dans le dispositif coranique
est vraiment unique. Un grand prophète donc auquel nous devons
tous une part des mythologies humaines actuelles.
par Malek
Chebel
Propos recueillis par Laurent
Gagnebin
Malek Chebel publie en septembre 2005 Lislam
et la Raison, le combat des idées, aux éditions Perrin.
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