Convictions
Ne serions-nous pas devenus tièdes en matière de foi
? Où est la passion, le risque, l’audace ? Notre goût
pour le propos mesuré, notre peur de l’irrespect devant
la différence, notre souci de ne pas choquer, ne nous auraient-ils
pas éteints et rendus fades ? Comme si le vrai ne pouvait plus
qu’être vraisemblable, comme si, à défaut de
tenir quelque chose pour sûr, nous ne pouvions plus que le tenir
pour possible… Qu’est-ce qui de Dieu et de son Evangile nous
stimule encore dans nos vies, nous engage dans le monde et nous éveille
au désir de convaincre ? Mais avons-nous seulement encore des
convictions?
Ce sont pourtant elles qui nous donnent de la voix et qui animent
la conversation. La conviction est le reflet de la pensée, son
arête la plus vive. C’est elle, aussi, qui résiste
à l’uniformité. Tenir à ce que l’on pense,
ne pas plier sous le poids du doute, ne pas se dérober devant
le risque du jugement, c’est la seule manière en effet de
résister à ce relativisme débilitant qui prétend
que tout se vaut. La conviction devient alors une perle théologique.
La liberté d’une confession originale ou l’étrangeté
d’une parole insolite nous révèlent que Dieu n’est
pas réductible à une seule chose et que personne ne peut,
à son sujet, avoir le dernier mot. La conviction audacieuse est
le meilleur témoin de l’insoumission de Dieu à tout
ce qui voudrait se l’approprier.
Car la conviction n’est jamais le monopole d’un seul. Dire
« je », c’est toujours accepter qu’un autre puisse
faire de même. C’est cette réciprocité de la
parole libre qui permet à chacun de trouver et de chérir
la sienne. Savoir que notre parole n’est pas la seule possible
nous autorise à l’habiter pleinement, à y tenir en
toute liberté, à la dire avec conviction. 
Raphaël
Picon