L’inattendu caractérise la grâce. Il s’agit
bien en Jésus d’accepter une incroyable et nouvelle image
de Dieu. L’inattendu, c’est aussi cet Évangile qui
répond à nos interrogations, mais cela de manière
surprenante : la Crèche (une écurie) et la Croix (une
guillotine) correspondent-elles vraiment à l’idée
que nous nous faisons naturellement de la naissance et de la mort d’un
Seigneur de l’humanité ?
Cette manière d’envisager l’inattendu a le défaut
d’être à sens unique. Et si Dieu aussi pouvait être
surpris par nous ? Il n’est pas figé dans une impassibilité
et une insensibilité qui, pour être divines, n’en
sont pas moins inhumaines. J’aime que l’Évangile nous
dise du capitaine faisant confiance à un seul mot de Jésus
que ce dernier « l’admira » (Lc 7,9). Cela est impensable
pour Calvin qui écrit : « Bien que ce soit une chose qui
ne peut convenir à Dieu de s’émerveiller (…),
toutefois ce sentiment pouvait toucher Christ, en tant qu’il avait
revêtu les sentiments humains avec notre chair. » Je pense
au contraire qu’il est possible d’émouvoir et d’étonner
Dieu. Ce n’est pas parce que Dieu agit sur nous que nous ne pouvons
pas agir sur lui. Dieu donne, assurément, mais sa générosité
est aussi celle d’un accueil réceptif à nos hardiesses
passionnées.
À travers sa vocation créatrice et son refus de la résignation,
l’être humain apporte quelque chose d’inédit
à ce monde et… à Dieu. Il poursuit ainsi, par ses
élans, l’œuvre du Créateur et collabore avec
lui. Mais notre acte créateur n’est pas qu’une réponse
prévue et obéissante à l’amour que Dieu attend
de nous. Cet acte libre peut effectivement émerveiller Dieu et
« enrichir la vie divine elle-même » (N. Berdiaeff).

Laurent
Gagnebin