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Numéro 174 - février 2004
( sommaire )

Regarder, Écouter, Lire

Livre : Michel Taubmann: «Femmes de prêtres»

Contraints au célibat par la discipline de leur Église et par leurs vœux, combien de prêtres mènent-ils en réalité une vie amoureuse, sinon quasi-maritale ? Selon les associations de compagnes de prêtres, le phénomène est loin d’être marginal, et ces derniers mois, plusieurs affaires médiatiques ont attiré l’attention de l’opinion publique sur cette question de société. Pendant plus d’un an, Michel Taubmann, journaliste à Arte, a rencontré de ces femmes clandestines. Elles lui ont raconté leur histoire, leurs difficultés, le destin de leurs enfants privés de père, n’en connaissant parfois même pas l’identité. De ces récits il a conservé une dizaine d’histoires qu’il relate dans ce livre, avec la permission des protagonistes, afin que se lève le voile sur un véritable drame humain que l’Église catholique actuelle a bien du mal à regarder en face. Pourtant dans la première partie de l’ouvrage, Michel Taubmann rappelle à travers une longue introduction biblique et historique que cette règle du célibat n’a pas toujours existé, et que la chasteté sexuelle n’a pas dans la Bible cette valeur qu’on lui a prêtée ultérieurement, quand le moine est devenu le modèle parfait du chrétien. En tout cas on ne peut manquer de se demander aujourd’hui si la crise des vocations dans l’Église catholique ne trouverait par une réponse, parmi d’autres, dans le droit accordé aux prêtres de se marier. feuille

Laurent Gagnebin

Michel Taubmann, Femmes de prêtres.
Stock (Documents), Paris, 2003

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Disque : Cédric Burgelin: « Rhapsodies»

Tous ceux qui ont eu le privilège d’entendre le récital donné dans la Cathédrale d’Agde par le jeune organiste Cédric Burgelin (fils de l’administrateur d’Évangile et Liberté) aux journées du protestantisme libéral de 2003, se rappellent la qualité de son jeu. Cette maîtrise, cette pureté, cette clarté du jeu où retentit la joie de jouer des compositeurs aussi bien classiques que contemporains, nous la retrouvons dans le CD (Rhapsodies) récemment enregistré en l’église St Germain de Coignières par un trio instrumental inédit avec C. Burgelin (orgue), C. Dupuy (cymbalum) et Ph. Husser (flûte de Pan). Le programme est une belle expression de l’art de la rhapsodie et conjugue les accents de la tradition et de la musique classique. On y trouve aussi bien une Danse hongroise de Brahms, que des mélodies recueillies par Kodaly, des danses roumaines ou des extraits de musiques de films inspirées par le folklore (Ennio Morricone : Mission). On peut rappeler que Cédric Burgelin a travaillé avec les plus grands maîtres de l’orgue, comme Gaston Litaize ou Olivier Latry (Notre Dame de Paris), a remporté deux premiers prix d’orgue au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, et qu’il est titulaire des grandes orgues de la Cathédrale St Pierre de Saintes. Heureux saintais ! feuille

Laurent Gagnebin

Le CD est à commander à Cédric Burgelin, 67 route de Cozes, 17260 St André de Lidon (prix unitaire de 20 € et 3 € de frais de port)..

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Livre : Alain Houziaux et alii: « Peut-on faire le bonheur de ses enfants?»

Deux psychanalystes, un pasteur et un rabbin dialoguent sur la question éternelle de l’éducation des enfants. C’était à l’une des conférences de l’Étoile, et le livre permet un rattrapage pour ceux qui n’ont pu y participer. En préambule, le pasteur Houziaux explique surtout, histoires bibliques à l’appui, qu’il faut savoir couper le cordon ombilical entre parents et enfants. Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, suggère que l’éducation est réussie à partir du moment où l’enfant la rejette. Pierre Lassus, psychothérapeute, observe que toute la société est construite pour protéger les parents, au lieu des enfants. Enfin Pauline Bebe, rabbin, résume comment, dans la tradition juive, les parents préparent leurs enfants à affronter l’âge adulte. Quatre positions contrastées qui entraînent des discussions passionnantes sur les principaux problèmes d’éducation liés à l’évolution actuelle de la structure familiale.

Ce livre est alerte, facile à suivre, amusant. Ce n’est pas un traité d’éducation, mais un ensemble de pensées pertinentes qui ne peuvent que faire réfléchir et donner de bonnes idées aux parents-lecteurs. feuille

Henri Persoz

A. Houziaux, P. Bebe, C. Eliacheff et P. Lassus. Peut-on faire le bonheur de ses enfants ? Éd L’Atelier (“Questions de vie”), Paris, 2003.

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Danse : à Francine Lancelot

Francine Lancelot (1929-2003) était une figure rayonnante et éclectique. Tour à tour danseuse classique et moderne (études avec Mary Wigman), comédienne-danseuse avec Jean Dasté dans les années 60, chercheuse au sein d’une unité du CNRS, au sein de laquelle elle étudie les danses du Languedoc et les fest-noz bretons. La gavotte languedocienne la conduira tout naturellement à la gavotte baroque. Voici la boucle bouclée…

Le grand public a pu connaître son œuvre par les chorégraphies nombreuses qu’elle a créées pour sa compagnie Ris et danceries, mais surtout par Suite (1983) et Quelques pas graves de Baptiste (1985) que Noureev lui avait commandées pour les danser lui-même à l’Opéra de Paris et le chorégraphies pour Atys de Lully (Paris, Opéra-Comique, 1987, photo en page gauche).

Nous avons souvent parlé de son père René Courtin – prof. de Droit, résistant, participant de la 1re heure à Combat et de la création du journal Le Monde, proche de Mendes-France, parmi les 1ers artisans d’une union européenne – qu’elle admirait infiniment, et dont elle avait hérité la rigueur dans la tâche et l’honnêteté intellectuelle.

Elle était de ces protestantes qui ont l’intelligence de la foi mais se sont éloignées de l’« institution ». Elle a préféré transmettre sa foi personnelle par un œuvre artistique.

Ces dernières années furent moments de maladie. Les rémissions lui ont laissé l’occasion préparer le legs à la Cinémathèque de la Danse de l’ensemble de ses précieuses archives audiovisuelles et d’achever le catalogue raisonné des chorégraphies en notation Feuillet, La Belle Dance sur lequel elle a travaillé plus de 20 ans ; travail dont la portée dépasse la danse pour concerner la musicologie et l’histoire du théâtre des xvii et xviie s. en général.

Elle nous a quittés dans la nuit de la Vigile de Noël laissant parents, amis, danseurs et musiciens baroques orphelins du modèle de travail qu’elle était, de ses colères et de ses célèbres éclats de rire. feuille

P. F. van Dieren

La Cantate du 1er janvier au Foyer de l’Âme lui a été dédiée par les interprètes.

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Cinéma : Le très-haut

Chaque mois, un membre de l’Association Pro-fil, dont la mission est de proposer des réflexions théologiques sur le cinéma, revisite notre patrimoine cinématographique, récent ou ancien. Il attire notre attention sur un film pour évoquer une image, un dialogue, un mouvement de caméra, un élément qui nous interpelle et nous stimule dans notre rapport à Dieu, aux autres, au monde. Ce mois-ci, Jean Lods nous propose une réflexion sur le sens du plan « en plongée » à travers l’exemple de L’Île nue de Kaneto Shindô. Quand les films dont il est question sont disponibles en cassette ou dvd, nous vous en fournissons les références.

Placée loin et au-dessus de ce qu’elle filme, la caméra crée un effet d’écrasement : de tels plans, « en plongée », soulignent la fragilité de l’homme ou font sentir une menace planant sur lui. D’innombrables scènes utilisent ce mode d’écriture dramatique. Parmi elles, il en est une particulièrement poignante. Elle se trouve dans L’île nue (1961), œuvre cinématographiquement remarquable et humainement bouleversante du Japonais Kaneto Shindô.

Ce film, sans aucun dialogue, décrit la vie difficile d’une famille isolée sur une petite île du Japon. Pas une goutte d’eau ici. Les parents doivent se rendre en barque sur le continent, y remplir des seaux et les ramener. Un jour, en rentrant, ils trouvent mourant un de leurs deux fils. Affolé, le père saute dans sa barque et godille de toutes ses forces vers la côte pour trouver du secours.

Vient alors la scène en question. Elle décrit la course du père à la recherche d’un médecin : trois plans en plongée successifs, pris de très haut, de très loin, qui correspondent aux trois étapes de la quête éperdue du malheureux, minuscule silhouette sombre animée par l’énergie du désespoir, se détachant sur la blancheur de craie d’un chemin désert. Tout d’abord chez le médecin, qui n’est pas là. Ensuite à une autre adresse, dans un autre village : toujours personne. En dernier lieu sur une route où il rencontre enfin le docteur arrivant sur son vélo, et l’arrête, à bout de forces. Au terme de chaque étape, la caméra redescend, se remet à hauteur et à proximité de l’humain, comme si, de la maison où l’on entre, de la personne que l’on rencontre, le salut allait venir. Mais, à chaque espoir déçu, elle reprend cette distance d’où l’homme apparaît comme un grain de poussière dans le monde.

Dans les films « religieux », cette vision en plongée est souvent donnée pour celle de Dieu. Vu de cette altitude, l’homme apparaît petit, fragile, dénué de tout, dans sa vérité en somme, et dans le besoin de l’amour de Celui qui le connaît ainsi. feuille

Jean Lods

L’ÎLE NUE, réalisé par Kaneto Shindô • Avec Nobuko Otowa, Taiji Tonoyama, Shinji Tanaka, Masanori Horimoto.

DVD en vente à partir du 4 février 2004, Wild Side Vidéo.

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