Une nouvelle édition de la TOB
La compréhension
de l’Ancien Testament reste assez difficile et l’origine de
son écriture n’a pas encore livré tous ses secrets.
Nous sommes habitués aujourd’hui à la lecture historico-critique
qui consiste à remettre les textes en situation par rapport à
la culture et à l’histoire contemporaines de l’époque
d’écriture. Encore faut-il connaître cette époque,
ce qui est loin d’être évident. Pour nous aider, les
introductions en tête de chaque Livre et les notes de bas de page
sont particulièrement abondantes dans la TOB et très précieuses.
Mais elles ont été conçues autour de 1975 et, depuis
lors, la connaissance des circonstances d’écriture de la
Bible hébraïque, et particulièrement du Pentateuque,
a considérablement évolué. Il fallait donc tout
reprendre, ce qui est en chantier. Mais le nouveau Pentateuque (soit
les cinq premiers livres de la Bible) est déjà disponible
sous une édition commune des Éditions du Cerf et de la
Société Biblique Française (23 €).
La première édition de la TOB était
encore très marquée par l’hypothèse documentaire
de Wellhausen selon laquelle le Pentateuque procédait principalement
de quatre sources qui se sont succédées dans le temps
: les sources Yahviste, Elohiste, Deutéronomiste et Sacerdotale.
La première datait de l’époque du roi Salomon, la
dernière de l’exil à Babylone. Les quatre sources
auraient été remaniées et compilées à
différentes reprises pour être finalisées dans le
Pentateuque après l’exil, au Ve siècle av. J.C. Cette
hypothèse recueillit une large unanimité parmi les savants
à la fin du XIXe siècle, et recueillait encore un bon
consensus à l’époque de la première édition
de la TOB. Mais aujourd’hui, elle est fortement remise en cause
et il fallait donc adapter les commentaires et notes aux nouvelles connaissances.
C’est ce qu’a entrepris une équipe de savants au sein
de laquelle notre collaborateur et ami, le professeur Thomas Römer,
a pris une place essentielle.
Dans quel sens sont allées les évolutions
? On pense aujourd’hui que la rédaction effective du Pentateuque
est plus tardive que ce qui était considéré auparavant.
L’essentiel daterait de l’époque perse, c’est
à dire d’après l’exil à Babylone ; ceci
n’empêchant pas que la rédaction se soit appuyée
sur des récits épiques plus anciens. Du coup, l’histoire
des patriarches se perd dans la nuit des temps et se rapproche encore
plus des phénomènes de mythes fondateurs que de souvenirs
historiques. Elle n’est donc plus datée dans les commentaires
de la nouvelle édition. Les quatre sources sont abandonnées,
mais on distingue encore deux types d’écrits. Les textes
sacerdotaux, provenant du milieu des prêtres, et répondant
à un souci d’organisation de la communauté autour
du clergé, du culte, des fêtes et des rites. Et les autres
textes, plus laïcs, dits « deutéronomistes »,
plus centrés sur la Loi et l’Alliance entre Yahvé
et son peuple. De nombreux fragments autonomes appartenant à
la tradition se seraient greffés autour de ces deux origines
principales. Tout ceci n’empêche pas que les auteurs, les
moments d’écriture et les systèmes théologiques
restent nombreux. Car nous sommes en face d’une littérature
de compromis pour surmonter la crise de l’exil puis celle de la
dispersion qui s’en est suivie. Il s’agit de reconstituer
une identité ébranlée par ces crises, en rassemblant
les souvenirs et les espérances. Israël a perdu son autonomie
et son unité politiques, mais il reconstruit la patrie disparue
en consignant dans le Livre toutes les traditions anciennes et toutes
les épopées glorieuses qui remontent à la surface
de sa douloureuse histoire.
Certes, les savants restent sur des hypothèses
qui demanderont à être confirmées par les recherches
futures. C’est pourquoi les notes de la nouvelle TOB restent prudentes
et soulignent leur caractère hypothétique. Elles contiennent
cependant une mine de renseignements et constituent un moyen remarquable
pour transmettre aux utilisateurs de la TOB l’état des recherches
actuelles.
Henri
Persoz