logo d'Évangile et Liberté

Numéro 175 - mars 2004
( sommaire )

Retrouver

L’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés et le Prés-aux-Clercs

En dehors du Musée du Désert, le protestant, homme de la Bible, est peu attaché à ses lieux de mémoires. Pourtant, à Paris, entre l’église St Germain des Prés et la Seine, le promeneur arrive bien vite rue du Prés-aux-clercs. Cette petite rue est le témoignage d’un autre temps…

Le quartier du Faubourg Saint-Germain est ancien : en 560 Childebert 1er fonde une abbaye consacrée à St Vincent ; l’évêque St Germain y étant enterré lui donne son nom. Enrichie grâce à des dotations royales, reconstruite en 890 après le passage des normands, elle subsiste aujourd’hui. En partie de style roman, c’est une des plus anciennes églises de Paris. Du haut de son clocher, Henri IV a pu observer Paris pendant le siège de 1590.

À la fin du Moyen-Âge, l’abbaye est hors les murs, quelques maisons commencent à être construites. Ainsi, rue des St Pères, les ambassades de Suède et de Hollande qui accueilleront souvent des huguenots pour célébrer leur culte. Vers 1550 le Faubourg verra des assemblées s’organiser dans des maisons privées comme chez Madame Bertrand où officie le pasteur La Cerisaie.

La présence protestante dans ces lieux peut s’expliquer par l’attirance que l’abbaye a exercée sur les intellectuels de l’époque : en 1507 Briçonnet, abbé de St Germain, ouvert aux idées modernes fait venir auprès de lui Lefèvre d’Étaples, théologien français humaniste qui publie en 1512 un commentaire des épîtres de Paul où sont exprimés les principes de la Réforme : le Salut par la grâce, l’autorité de l’Écriture et le rappel d’un culte rendu à Dieu seul. Autour du maître se rassemblent en ces lieux des hommes qui marqueront la Réforme et l’humanisme de leur empreinte : Guillaume Budé, Roussel, Michel d’Arande, Guillaume Farel, etc. En 1518, Briçonnet est nommé évêque de Meaux, il entraîne son équipe pour vivre l’expérience de Meaux : le protestantisme fabrisien.

Si la vie de l’abbaye est brillante, l’enclos du Prés-aux-Clercs, racheté par l’Université au XIIIe siècle, reste un peu à l’écart, fréquenté par les étudiants et les amateurs de duels. Ce lieu, qui s’étend de l’abbaye à la Seine, est le théâtre d’événements importants au printemps 1558. Le protestantisme a beaucoup progressé. Les huguenots se sentent assez forts pour se rassembler au grand jour. Le Prés-aux-Clercs, hors des murs de Paris – favorable aux Guise – mais suffisamment proche permet des réunions, d’autant plus que le quartier protestant de Paris – la Petite Genève – est juste à coté, derrière la porte de Buci. Ainsi le 13 mai 1558, 3000 à 7000 protestants se réunissent et chantent les psaumes de Marot face au Louvre. Démonstration religieuse et politique ! Il en est de même les jours suivants ; le 19, on note dans l’assemblée la présence du roi de Navarre… On est juste à la veille des guerres de religion…

Ces guerres ont été marquées par le massacre de la St Barthélemy le 24 août 1572. Ce jour-là les huguenots étaient venus pour le mariage d’Henri IV et de Margot. Par prudence ou manque de place, beaucoup logeaient Faubourg St Germain. Une soixantaine de gentilshommes huguenots entendant le tumulte de la nuit, croyant que la vie du roi était menacée décident de traverser la Seine en barque pour lui porter secours. Les coups de feu tirés du Louvre les repoussent à leur point de départ du Prés-aux-Clercs… Ils ont eu la vie sauve car, la porte de Buci étant fermée, les sbires des Guise n’ont pu sortir à leur poursuite à la suite d’une erreur de clé !

Le Faubourg St Germain et le Prés-aux-Clercs vont connaître une longue éclipse. Cependant le nom du quai Malaquais nous rappelle que la reine Margot a acheté ce terrain de manière douteuse : il a donc été mal acquis. Voltaire a habité là, nous voici plongé dans l’affaire Calas. Quant à l’Académie Française, créée par Richelieu en 1634, elle prouve une fois de plus l’habileté de cet homme qui a récupéré les salons littéraires contestataires, dont le principal était celui du huguenot Conrard, afin de mieux les surveiller… Flatteries et honneurs restent des armes redoutables…

Des étudiants du Moyen-Âge aux huguenots du XVIe siècle et à Voltaire, le Prés-aux-Clercs est bien un lieux de contestation. Boris Vian, Greco, Sartre et tant d’autres le savaient-ils quand ils lançaient l’existentialisme aux deux Magots ou au Tabou ? feuille

Vincens Hubac

haut

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)

 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°


Vous pouvez nous écrire vos remarques, vos encouragements, vos questions