Religion et humanité Si quelqu’un me demandait
pourquoi je considère le christianisme comme l’unique religion
dominant toutes les autres, je jetterais au panier de bon cœur
tout ce qu’on nous a fait apprendre sur la relation entre les religions,
sur leur rang hiérarchique, sur les critères de supériorité
des meilleures et je ne retiendrais qu’une chose : c’est parce
que dans le premier commandement que le Seigneur donne sur terre, un
seul mot se détache : le mot « homme ». Il ne parle
pas de religion, de foi, de l’âme ou d’autre chose,
mais uniquement « des hommes ». « Venez, je vous ferai
pêcheurs d’hommes. » C’est comme s’il disait
aux générations à venir : pour commencer, vous
allez tâcher que l’homme ne périsse pas. Suivez-le
comme je l’ai suivi et rejoignez-le là où les autres
ne le trouveraient plus, dans la boue, la bestialité, le mépris
; allez à lui et soutenez-le jusqu’à ce qu’il
redevienne un homme.
Jésus a soudé si étroitement l’une
à l’autre religion et humanité qu’il n’y
a plus de religion sans vraie humanité et que les devoirs de
la vraie humanité ne se conçoivent pas sans religion.

Albert Schweitzer,
Vivre : prédication du 6 janvier 1905 sur Mc
1,17.
Avec l’aimable autorisation des Éditions Albin Michel.