
Numéro 176 - avril 2004
( sommaire
)
Lettre Ouverte
Le péché originel... « c'est quoi ?
»
J'ai découvert
un ouvrage qui aborde la question du « péché originel
» (Daniel Béresniak, Le mythe du péché origine!,
Édition du Rocher, 1997). Je dois avouer, à ma grande
honte, que je n'ai jamais bien saisi la signification de cette expression.
[...] L'auteur [...] nous donne cet avertissement: «S'interroger
sur les sources d'une oeuvre n' est pas la dévaloriser, loin
de là, mais explorer le terreau dans lequel plongent ses racines.
[...] C'est faire oeuvre pieuse, en somme, à condition de fonder
la piété sur le respect de la vérité et
non sur la soumission inconditionnelle à la parole des clercs,..,
défenseurs d' un pouvoir en place.»
[...] Au début de son ouvrage, l'auteur développe
les origines très anciennes et quasi universelles de la notion
d'un «péché originel» :
[...] Presque toutes les mythologies font état
de dieux qui se seraient fâchés contre les hommes, lesquels
doivent donc expier leurs fautes, et d'un «état bienheureux»,
un «âge d'or perdu»qui serait à rétablir.
Tous les rites instaurés dans le monde païen avant le Christianisme
contiennent des rituels de «sacrifices expiatoires, individuels
et collectifs». Nous ne relèverons que cet exemple extrait
d'un texte de Platon: «Quiconque arrivera chez Hadès sans
ovo frété initié ni purifié aura sa place
dans le bourbier, tandis que celui qui aura été purifié
et initié.., aura sa résidence auprès des dieux.»
La formule «hors de l'Église pas de salut»
est donc déjà contenue dans ces quelques lignes. [...]
Un chapitre aborde les différents mouvements de pensée
et les pratiques religieuses en usage avant et au début de l'ère
chrétienne. [...] Enfin un cha-pitre consacré à
la vie et à l'évolution de la pensée de saint Augustin
nous conduit à la doctrine augustinienne du péché
originel, doctrine que des Églises auraient exploitée
pour mieux asseoir leur autorité.
Me voici enfin délivré d'un certain malaise
vis-à-vis de ceux qui prétendent imposer inconditionnellement
à tous les chrétiens de tels dogmes... C'est donc pour
beaucoup un livre réconfortant et très enrichissant, qui
se termine par cette citation de Francis Bacon à propos du bonheur
de lire:
On ne lit pas pour savoir ce qu'il faut penser, mais
pour le plaisir de pouvoir penser. La fonction d'une parole ou d'un
livre est de participer à la naissance d'autres paroles et d'autres
livres...
Le Bon et le Bien peuvent être représentés
par l'image d'une bibliothèque [...] de laquelle aucun texte
n'est exclu parce que le plus mauvais est aussi un témoin à
interroger. L'Erreur viendrait au contraire de l'absence de livres.
Mais il y a pire : n'avoir qu'un livre, un seul, et l'ériger
en référence absolue.
Daniel
Baroni
haut 
Billet
Entre Pâques et la Trinité…
Au IVe siècle,
on se battait jusque dans la rue sur le dogme de la Trinité et
sur l’idée d’une double nature du Christ. Aujourd’hui,
lorsque je vais chez mon boulanger, on ne se bat plus pour les même
raisons. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que la double nature
du Christ occupe les nuits de mon boulanger… On peut passer son
temps à le regretter, mais c’est un fait. Dans un passé
moins lointain, on se disputait (sauf chez mon boulanger…) sur
la résurrection corporelle du Christ. On disait même que,
de même qu’un protestant « ne croit pas en la Vierge
Marie », un libéral « ne croit pas en la résurrection
». Pauvre débat qui se contente de définitions négatives.
Parlons donc d’aujourd’hui : la question de
savoir comment était le Christ après sa résurrection,
si on pouvait le toucher, est-elle déterminante pour l’avenir
de l’Église et de l’humanité ? Pourquoi nos
débats chrétiens se bloquent-ils encore parfois sur des
questions aussi subsidiaires ? Disons-le nettement : la Trinité
de Nicée et la résurrection corporelle du Christ appartiennent
à l’histoire des dogmes. C’est intéressant mais
non déterminant. En revanche les récits de Pâques
nous invitent à un grande modernité : vider nos tombeaux
et voir au-delà des fatalismes.
On ne dira jamais assez qu’il n’existe aucun
récit de la résurrection de Jésus dans les évangiles,
du moins dans les quatre que l’Église a accepté comme
« canoniques ». Il n’existe que des récits de
découvertes d’un tombeau vide. Que s’est-il passé
entre le vendredi et le dimanche matin ? Silence. Or, aujourd’hui,
n’avons-nous pas quelques tombeaux à vider, ceux des médiocrités
et des méchancetés de ce monde ? Il y a pour chacun sujet
à réflexion personnelle et sociale. Mais au-delà
même de la morale et des comportements, n’avons-nous pas
dans nos vies des zones de vide, de vacuité, de « tombeaux
» ? N’existe-t-il pas des démissions de la pensée
et de la recherche de sens ? Pouvons-nous nous résoudre, dans
un monde « civilisé », à ce que le suicide
demeure la seconde cause de mortalité des jeunes ? Le chemin
de croix est un chemin personnel et social. Il nous faut explorer les
abîmes de nos existences.
Seulement cet « examen de conscience » ne
doit pas tourner à l’acte d’accusation si proche de
la névrose de culpabilité si chère à nos
traditions chrétiennes. N’oublions jamais cette évidence:
c’est parce que des hommes ont cru au tombeau vide qu’ils
ont parlé de la croix, et non l’inverse. L’examen de
conscience n’est pas mortification masochiste mais chemin de sens.
Or, je constate jour après jour, tant socialement qu’individuellement,
que le fatalisme devient la première idéologie. Malgré
quelques sursauts humanitaires, souvent liés à l’émotion
d’un instant, on se résigne. Pâques, c’est l’inverse
: vous avez cru que c’était fichu ? Et bien non ! Il y a
une suite et vous aurez un rôle déterminant dans cette
suite. Et le premier sens d’une existence humaine est justement
celui-là : nous avons, chacun, une place unique et déterminante
dans les relations humaines de ce monde. De plus, chercher un sens c’est
déjà commencer à vivre. Refuser les fatalismes,
c’est commencer à aimer. Pâques n’est pas un
dogme, c’est un appel. J’en parlerai à mon boulanger,
que je trouve un peu fataliste ces temps-ci…
Jean
Marie de Bourqueney
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