L'Ascension est la
grande fête théologique de la liberté et du désir...
Là où il serait tentant de ne voir qu'une grossière
mythologie (un jésus qui monte au ciel !), le récit des
Actes vient nous dire, très simplement, que Dieu est ailleurs.
Dieu, mais nous pourrions aussi dire la vérité fondamentale
de notre être, ce qui nous autorise pleinement à l'existence,
ce qui donne un sens ultime à notre vie. Dieu nous devance et
résiste à ce qui tend à le chosifier, se l'approprier
et le manipuler. Ce quifonde notre vérité ultime n'est
pas ce que nous faisons ou donnons à voir de nous-mêmes,
mais ce qui nous saisit, nous traverse et nous précède...
Calvin ne s'y est pas trompé lors- qu'il just qfie par l'Ascension
le fait que Dieu ne puisse être présent dans le pain et
le vin de la cène; non parce qu'il serait parti dans un autre
monde, mais parce qu'il est toujours ailleurs, c'est-à- dire
résolument insoumis à ce qui voudrait l'enclore. L'Ascension
fête la liberté que prend Dieu de se révéler
où et quand il veut. Elle célèbre une vérité
en marche, au-delà du déjà connu et du déjà
vu. L'Ascension vient ainsi mettre à l'aventure nos attendus
et nos certitudes pour nous éveiller à ce qui demeure
pour nous insaisissable; cette fête célèbre le vide
et le manque pour nous ouvrir au temps du désir et de la quête.
Et c'est peut-être pour ne pas trop nous attacher aux mots et
aux choses, que le texte des Actes baigne dans cette mythologie la plus
incroyable. Le caractère impossible et rebutant de cette Ascension
veut précisément nous rendre libres à l'égard
de la lettre et des doctrines pour nous apprendre que Dieu n'est pas
un objet maîtrisable et à disposition, même dans
la Bible I Pentecôte, célébration du Dieu Esprit,
ne dira pas autre chose; ce n'est pas par hasard que jusqu'à
la fin du 4ème siècle l'Ascension et Pentecôte étaient
une seule et même fête. L'Ascension, aussi, inscrit et confirme,
dans notre calendrier, la vérité d'un Dieu transcendant
et déroutant. 
Raphaël
Picon