
Numéro 177 - mai 2004
( sommaire
)
Regarder, Écouter, Lire
Livre : Sens et contresens
Sens, la revue de l’Amitié
judéo-chrétienne de France publie avec son numéro
1/2 2004 un important cahier de travail sur « Les Juifs dans l’Évangile
de Jean : vers une nouvelle traduction pour les liturgies chrétiennes.
» La revue Sens est disponible au siège de l’A.J.C.F.
60, rue de Rome, 75008 Paris. Ce numéro spécial comporte
une introduction générale de Michel Leplay, les travaux
préparatoires concernant les liturgies catholiques, luthériennes
et réformées, l’étude comparative de onze
traductions des versets du 4e Évangile mentionnant « les
Juifs » (il y en a 71), enfin, sous la direction de Michel Sternberg,
des propositions pour les textes liturgiques. Voici deux exemples. Jean
9,18 : « Mais les chefs juifs » au lieu de « Les Juifs
». Jean 19,7 : « Les juifs criaient… » remplacé
par « La foule se mit à crier… » Nous avons
ainsi tenté de « traduire sans trahir », en proposant
une interprétation de l’expression « Les Juifs »,
utilisée par l’auteur à différents niveaux
de significations.
Michel Leplay
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Livre : Action sociale et
reconnaissance
C’est
à la question de la diaconie qu’est consacré ce livre
d’Isabelle Grellier, maître de conférences en théologie
pratique à la Faculté de Théologie protestante
de Strasbourg. Étude fouillée, cet ouvrage nous rappelle
l’importance de l’engagement chrétien auprès
des plus défavorisés et dans la foulée de Jésus,
le Serviteur par excellence. On ne dira jamais assez que notre liturgie
est inséparable d’une diaconie et notre service divin d’un
service humain. Cinq chapitres déclinent ici l’action diaconale
: « Une diaconie de la reconnaissance : l’engagement diaconal
comme réponse à la grâce » – «
Reconnaissance de soi » – « Reconnaissance de l’autre
» –
« Les institutions diaconales : être reconnu
à travers ses œuvres ? » – « Dieu caché,
Dieu reconnu ». Il est intéressant de voir l’auteur
construire ces pages autour de la reconnaissance, devenue aussi, par
un heureux hasard, le thème du dernier essai philosophique de
Paul Ricœur (Parcours de la reconnaissance, Stock). Le livre d’Isabelle
Grellier comporte un sous-titre significatif : « Pour une théologie
diaconale ». C’est dire que ces 200 pages ne parlent pas
seulement de la diaconie en tant que telle, mais bien de sa place dans
l’entreprise théologique ; par conséquent, avec ses
notes et une abondante bibliographie, ce livre reste exigeant et relève
du genre universitaire. 
Laurent Gagnebin
Isabelle Grellier, Action sociale et reconnaissance (Préface
de Jean-François Collange), Oberlin, 2003, 19 €, ISBN 2
85369 241 8.
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Livre : L’enfant hérétique
Anne
Brenon, spécialiste des cathares, m'a signalé L'Enfant
hérétique. Son auteur, après Zundel et avant Bobin,
est fils spirituel de François.d'Assise. Chroniqueur depuis de
longues années à La vie, il fut un des prêtres d'ouverture
et de cœur qui a, en profondeur, ré-évangélisé
le catholicisme français d'après Vatican II, entre autres
comme aumônier national des Équipes enseignantes. «
Jésus n'a pas laissé des écrits, mais des hommes.
Le tombeau est vide, l'Esprit est partout. J'aime ces incertitudes.
» (p. 139) Or, voici que ce grand nom du catholicisme contemporain
se révèle dans son dernier livre comme « hérétique
», dans le sens de l'étymologie grecque (celui qui choisit)
! « Si le Cardinal Ratzinger – le préfet de la Congrégation
de la foi – me convoquait à Rome et m'accusait de ne pas
être fidèle à l'orthodoxie, je ne nierais pas, je
reconnaîtrais que je suis hérétique. Mais lui dirais
: Et vous, êtes-vous sûr de ne pas être hérétique
? » (p. 120). Ceux qui aiment les itinéraires spirituels,
la sincérité, la mystique aussi, la simplicité
de la foi, aimeront ce livre serein et plein de tendresse. « Je
ne prononce jamais le Credo : nous ne sommes plus au quatrième
siècle. Pourtant je me surprends à le chanter, solitaire,
alors que je suis en train de me raser ou que je roule en voiture. J'aime
surtout le Credo de la Messe royale de Dumont. » (p.166) Le pasteur
libéral Pierre Maurice me parlait avec reconnaissance de Bessière.
Oui, sachons rencontrer les catholiques libéraux ! 
Michel Jas
Gérard Bessière, L'Enfant hérétique, une
traversée avec Jésus, Paris, Albin Michel, 2004.
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Cinéma : Un autre monde

Haut les coeurs de Solveig Anspach
(France/Belgique, 1999) © Diaphana Distribution, Paris
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Dans son film «
Hauts les cœurs », Solveig Anspach nous propose une réflexion
sur le sens de la vie à travers un voyage dans les coulisses
de la mort. Quoi de plus terre à terre pourtant que cet accompagnement
que nous faisons d'Emma dans sa découverte du cancer qui l'atteint
alors qu'elle commence une grossesse ? Les rendez-vous médicaux,
les examens successifs, les soins lourds de conséquence sur l'organisme
et son apparence, tout cela nous est montré avec un réalisme
évident. Le film avance peu à peu dans cette dépossession
progressive d'Emma de son propre corps, dépossession qui va de
pair avec la progression de la vie en elle, celle de son bébé
qu'elle mettra au monde, envers et contre tout. Et l'humain s'humanise,
à travers ces rencontres médicales qui respectent à
la fois le désir de vivre et le désir de donner la vie.
L'humain s'humanise dans ce désir d'assumer la réalité
de mort qui rôde et qui menace. Emma ne fuit pas, ne cache pas
les signes de son cancer ou plutôt les signes de sa lutte contre
la maladie. Elle affronte le regard d'autrui qui a visiblement plus
de mal qu'elle à regarder la vérité en face.
Lorsque la vie nouvelle surgit, celle de son bébé,
et se détache d'elle, elle est enfin prête pour affronter
la suite. C'est alors qu'on nous la montre toute de blancheur vêtue,
dans cette « bulle » médicale où l'on tente
de la sauver, reliée encore à ce monde par le téléphone,
mais déjà séparée, dans un « autre
monde ». Tout est lumière, tout est blanc dans ces derniers
plans en légère contre-plongée où c'est
elle qui nous domine. Éclairage et angle de prise de vue nous
la font apparaître évanescente, comme déjà
dans un « autre monde ». Comme si elle nous disait : «
ne cherchez pas ici celle qui est vivante. »
Maguy Chailley
« Hauts les cœurs », film français
(1999), 1 h 50. Réalisatrice : Solveig Anspach. Interprètes
: Karin Viard ; Laurent Lucas ; Julien Cottereau.
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Musique : Die Schöpfung
Le
19 mars 1799 eut lieu, à Vienne, la première audition
publique de la Création de Joseph Haydn, oratorio écrit
sur l’adaptation allemande, réalisée par G. van Swieten,
d’un texte anglais à l’origine destiné à
Haendel. Cette œuvre se voulait ainsi le témoignage de l’admiration
de Haydn à l’égard de Haendel qu’il considérait
comme le plus grand des musiciens. Le texte, fondé sur des passages
de l’Ancien Testament (Genèse et Psaumes) et sur le Paradis
perdu de Milton, est un hymne de louange au Créateur, faisant
alterner récitatifs, destinés à narrer les différents
épisodes de la création, et airs et chœurs illustrant
et commentant ces mêmes épisodes.
Nikolaus Harnoncourt et son Concentus Musicus Wien, entourés
de trois excellents chanteurs, servent merveilleusement cette partition
: l’attention de l’auditeur est captée dès la
description du Chaos, pour ne jamais faiblir au cours de l’écoute.
D’autre part, l’équilibre est trouvé entre la
solennité et la joie qui caractérisent l’oratorio
: en témoigne le premier récitatif de Raphaël emprunt
de poésie et de retenue, la joie transparaissant complètement
lors des premières mesures de l’air et du chœur suivant.
Comme le résume Nikolaus Harnoncourt : « Les enfants –
et nous tous avec eux – suivons cette histoire fascinés
et émus, surexcités, les oreilles en feu. »
Matthieu Baboulène-Fossey
Joseph Haydn : Die Schöpfung, par le Concentus Musicus Wien, l’Arnold
Schönberg Chor, D. Röschmann, M. Schade et C. Gerhaher sous
la direction de N. Harnoncourt, 2 CD Deutsche Harmonia Mundi, 82876
58340 2.
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