Un de mes filleuls connaît
un grand bonheur. La jeune femme avec laquelle il aspirait à
unir sa vie a consenti à l’épouser. Cela n’était
pas acquis, car un handicap physique consécutif à un accident
lui donnait une démarche fort claudicante. Il était cependant
manifeste que ces deux jeunes avaient beaucoup de goûts communs.
Peu à peu, bien des soirées, des visites et des voyages
les avaient rapprochés. Ils avaient constaté qu’ils
prenaient plaisir à se retrouver longuement. Cependant mon filleul
ralentissait leurs fréquentations, se disant que ses espoirs
étaient vains, et qu’à trop se voir, ils se faisaient
probablement du mal à l’un comme à l’autre.
Il s’en était ouvert à moi.
Le hasard est venu d’une rencontre. Elle montait l’escalier
roulant d’une FNAC parisienne, je descendais l’escalier voisin.
Une inspiration subite m’a poussé à la rejoindre
et à lui offrir un café. Au milieu du brouhaha ambiant,
je l’ai interrogée sur un éventuel mariage. «Si
on me pose la question, je ne suis pas contre» dit-elle. Ce sont,
paraît-il, les façons de s’exprimer de leur génération
!
« Nous sommes obligés
de reconnaître, sous peine de nous cantonner sur le terrain
de ce réalisme naïf, que nous rencontrons par trop
souvent dans les diverses doctrines théologiques, que la
révélation est un événement intérieur
et spirituel, qui se manifeste symboliquement dans l’histoire,
dans les événements de cette dernière. »
Nicolas Berdiaeff, Vérité
et Révélation
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Le filleul fut vite averti et ils se décidèrent. Me remerciant
de mon illumination, il me dit : « Ainsi, j’étais
heureux sans le savoir ! » Étrange, mais profond bonheur
: se dire qu’on a été aimé avant de l’avoir
compris, c’est ce qui nous arrive avec Dieu.
Je pense aux brebis de la parabole qui vont « recevoir le Royaume
préparé depuis la fondation du monde ». Étonnées,
elles se demandent pourquoi. Vous le savez, c’est ce qui arrive
à ceux qui donnent à manger aux affamés, qui recueillent
les étrangers, vêtissent ceux qui sont nus, visitent les
prisonniers. Ils sont heureux sans le savoir ! Cette ignorance ne rappelle-t-elle
pas l’ingénuité des enfants que Jésus aimait
placer au milieu de ses disciples ? 