Des deux sens du mot « religion »
« Religion » vient du mot latin religio,
dont létymologie est controversée. Pour certains,
dont les auteurs chrétiens, il renvoie à religare, relier.
Cest alors un lien, une alliance, basés sur un échange,
un contrat. Comme on dit encore en latin : Do ut des, je te donne et
en contrepartie tu me donnes. Je te donne mon obéissance, et
en échange tu me gratifies. « Puisque tu mas sacrifié
ton fils unique, je te comblerai de bienfaits
» (Gn 22,16-17).
Si au contraire le croyant nobéit pas comme Abraham, même
à un ordre barbare, il est puni. Peu importe ce quon lui
fait miroiter : terre promise, résurrection post mortem, etc.
: ici lhomme ne fonctionne que par « la carotte et le bâton
», espérance dun gain et crainte dun châtiment.
En sort-il grandi ?
Un second sens du mot, qui sautorise du grand Cicéron,
le rattache au contraire à relegere, accueillir respectueusement
en soi, examiner avec une attention scrupuleuse les scénarios
possibles de sa vie, risques et chances : bref non plus se relier, mais
se relire. En monde chrétien, nous y aident ces merveilleuses
histoires que sont les paraboles évangéliques. Par exemple
celle de lEnfant prodigue, admirable proposition de ce que peut
être une résurrection non pas physique (miracle pour idolâtres),
mais spirituelle (symbole vivifiant pour adultes, les éclairant
sur eux-mêmes).
Le dictionnaire étymologique dErnout-Meillet
dit, sur religio : « pas de certitude ». Une seule reste
cependant à mon avis : on ne peut pas rester indéfiniment
dans lenfance, il faut grandir, mûrir, voir la « religion
» non comme une sujétion, un lien infantilisant, invitant
à rester « bien sage », mais comme une proposition
faite à chacun de relire sa vraie vie, « à lintérieur
de soi » (Lc 17,21).
Michel
Théron