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Numéro 180-181
août-septembre 2004
( sommaire )

Billet

La passion et les « choux farcis »

Notre ministre de l’économie, connu pour son énergie, a déclaré : « si j’étais sous-secrétaire d’État aux choux farcis, on entendrait beaucoup parler des choux farcis ! » Belle passion ! Lorsque l’on reçoit une mission, il faut y mettre toute son énergie. Mieux, il faut se passionner pour sa tâche et faire en sorte que tout le monde se passionne pour elle. Or, le sieur Sarkozy ne manque ni d’enthousiasme ni d’énergie au travail. J’avoue que je préfère son enthousiasme à la morne plaine du Waterloo de notre espérance. La mode est au désespoir de l’introspection, pas à la volonté du partage. C’est vrai en littérature comme ailleurs.

Mais l’enthousiasme de notre ministre me pose aussi problème. Pour tout dire, il m’agace autant qu’il me plait. Qu’il se passionne pour les choux farcis, c’est bien ! En tout cas je ne l’en blâmerais pas, moi qui défends une cuisine de terroirs. Mais de quel droit se permet-il de décréter la passion des autres ? À moins qu’il ne considère que les médias sont à son service. La passion se propose. On ne la décrète pas, on ne l’impose pas ; on en témoigne. Il peut parfois exister en politique (comme ailleurs !) d’insupportables « cléricalismes ». Les clercs décrètent « d’en haut », le peuple doit suivre. Notre histoire européenne est en grande partie fondée sur l’émancipation par rapport à toute les cléricatures : celle de l’Église, celle d’une monarchie absolue,… Notre démocratie est par essence anti-cléricale, puisqu’elle repose sur l’idée de débat, de confrontation des projets et des visions de la société. Au Moyen Âge, la science était « ancila theologiae », « servante de la théologie ». Autrement dit, la science devait chercher ce que l’Église lui disait de trouver ! Un non-sens scientifique. Je ne voudrais pas aujourd’hui qu’un ministre, quel qu’il soit, m’ordonne mon menu pour demain ! C’est peut-être l’une des leçons de notre époque : les religions n’ont plus le monopole du cléricalisme.

Notre vision protestante libérale de l’existence (et pas simplement de la théologie) repose sur la libre adhésion de chacun et sur l’exercice de la raison critique. Nous ne sommes les perroquets de personne. Nous sommes plus des chercheurs de sens que les serviteurs d’un pouvoir. Soyons enthousiastes sans diminuer notre intelligence et sans mépriser celles de nos contemporains.

Au fait, j’aime beaucoup les choux farcis. Et si on en parlait… feuille

Jean Marie de Bourqueney

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