Dieu est-il tout-puissant?, par Florence
Taubmann 
«Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur
du ciel et de la terre.»
Les mots des credo que nous avons hérités des premiers
siècles du christianisme (Symbole de Nicée, Symbole
des apôtres), comme ceux du Notre Père et de nos cantiques,
nous ont accoutumés à fréquenter un Dieu tout-puissant;
mais les prédications de nos pasteurs ont souvent remis en
question cette image, y dénonçant parfois, sous l'influence
de la psychanalyse, la projection de nos propres désirs de
puissance.
Dieu est-il tout-puissant ?Si Dieu n'est pas tout-puissant... alors
qui est-il ? Le contraire de la toute-puissance n'est pas nécessairement
l'impuissance totale, mais la puissance limitée. Dieu n'a-t-il
qu'une puissance limitée? Dieu est-il totalement impuissant?
La question est à rapprocher de la façon dont on envisage
l'action de Dieu dans le monde: les tenants d'un Dieu interventionniste
imaginent de préférence Dieu tout-puissant, alors que
les partisans d'un Dieu responsabilisant lui prêtent plutôt
une puissance limitée (cf. « Deux christianismes»,
Évangile et liberté no 177).
Si le mot « tout-puissant » est fréquemment employé
pour qualifier Dieu dans l'Ancien Testament (au moins dans les traductions
habituelles), la puissance de Dieu n'est que rarement évoquée
dans les évangiles (une dizaine de passages parlent de la puissance
de Dieu), ce qui tendrait à montrer que cette idée nous
vient plutôt du Dieu des juifs. Jésus parle d'un Dieu
d'amour et, s'il a quelquefois cité la puissance de Dieu, il
n'a jamais parlé de toute-puissance. Et la Croix ne donne-t-elle
pas l'image d'un Dieu faible et souffrant plutôt que celle d'un
souverain tout-puissant?
La piété a traditionnellement vécu la toute-puissance
de Dieu sur le mode d'une forte confiance en sa Providence. «
Dieu n'entend-il pas la prière des hommes ? Et ne fait-il pas
concourir toutes choses au bien de ceux qui l'aiment?» Mais
là encore les coups de boutoir de l'histoire et la critique
acérée d'une prière jugée infantile semblent
avoir eu raison de cette Providence que Calvin plaçait si haut.
Comment croire qu'un Dieu d'amour, tout-puissant, accepte sans intervenir
l'extermination du peuple juif et, plus généralement,
la souffrance des innocents?
Les pages qui suivent veulent témoigner que ce débat
n'est pas seulement doctrinal, mais profondément existentiel.
Il peut agiter le cour de chacun de nous, comme il peut nourrir nos
conversations amicales, nos études bibliques et nos partages
spirituels. Florence Taubmann nous fait rejoindre ici ce débat
à travers l'échange épistolaire de deux vieux
messieurs, Sosthène H et Max D, amis de longue date.
Un jour Max, taquiné par l'envie de faire de la théologie,
envoie à Sosthène quelques lignes où il lui fait
part de ses doutes quant à la toute-puissance de Dieu. Et celui-ci
lui répond... 