Quand on m’a demandé
un jour s’il existait des expressions ou des mots un peu typiques
de nos communautés protestantes, – en dehors des expressions
bibliques ou cultuelles – c’est ce fameux « repas tiré
des sacs » qui est sorti de mon chapeau ! Pratique-t-on l’expression
en dehors de nos agapes paroissiales ? Et dans toute l’étendue
de la France protestante ? J’avoue mon ignorance ethnologique,
mais sur le plan gastronomique elle recouvre un spectre qui va du frugal
pique-nique des randonneurs aux somptueux festins – eh oui il y
en a – composés de ce que les uns et les autres apportent
pour une fête de l’Église, en passant par le célèbre
et annuel repas sous les châtaigniers qui suit le culte de l’assemblée
du désert.
Donc dans tous les cas, c’est plutôt sympa,
le repas tiré des sacs !
C’est une bonne illustration de la multiplication
des pains : quand il y en a pour deux, il y en a pour cinq, et aussi
pour vous, Madame le Pasteur ! Et si le sac évite tout signe
extérieur de richesse, le repas, même simple, est en général
exquis et bien arrosé ! De plus, là où les petits
plats dans les grands peuvent parfois guinder un peu l’atmosphère,
le repas tiré des sacs, lui, invite à la bonne franquette,
et pourquoi pas, à une ambiance rigolarde… Finalement, moi
qui voulais faire le nez sur l’expression, je me découvre
pour elle une certaine tendresse. Car comme souvent dans nos manières
et notre langage protestants, elle cache pudiquement sa véritable
raison d’être, qui est le partage fraternel. Et en cette
matière, le fameux sac a quelque chose de la caverne d’Ali
Baba. 
Florence
Taubmann