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Numéro 184 - Décembre 2004
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Aujourd’hui, Noël est devenu la fête de la lumière et de la famille. Cette fête a-t-elle perdu son caractère chrétien ? Non, pas forcément, car le message de l’Évangile affirme que dans la vie de chacun de nous, il y a la présence éclairante et mobilisatrice de Dieu, cette même présence qui existait en Jésus comme le disent, à leur manière, les récits de sa naissance.

Les temps changent, Noël reste

Les temps changent, les Églises peinent, les croyants sont critiques et méfiants vis-à-vis de l’institution religieuse, voire de ses messages. La grande majorité des jeunes – moins de 10 % des jeunes alsaciens se sentiraient concernés par la religion – se situent en dehors de tout besoin religieux. Et pourtant, Noël reste.

Le Noël multiculturel d’aujourd’hui

Mais quel visage, Noël prend-t-il pour nos contemporains ? Au-delà de la nostalgie de nos anciens Noëls, des souvenirs d’enfants émerveillés, des enchantements des marchés de Noël, le partage en famille est l’objet d’attentes très fortes. Chercherons-nous cependant plus loin en nous souvenant que la motivation initiale de la fête fut le souvenir de la naissance d’un homme qui marqua le devenir des religions d’une partie importante de la planète Terre ?

On sait aujourd’hui que la fête de la naissance de Jésus, commémoration d’un événement passé, n’était absolument pas la première préoccupation des adeptes du Jésus historique.

Certes, le Noël d’aujourd’hui charrie des fonds de coutumes et de croyances souvent plus anciennes que le message chrétien. Les fêtes d’avant le christianisme, en nos contrées dites occidentales, fournissaient un support adéquat, ou pour le moins utile à l’annonce du message « évangélique ». Les fêtes de la lumière renaissante après le vécu de l’obscurité croissante étaient naturellement en phase avec le message de l’évangéliste Jean lorsqu’il compare la venue tantôt de Jean-Baptiste tantôt de Jésus avec l’irruption de la lumière divine dans le monde. Sur un autre plan, les élites soucieuses de prolonger cette vie et le pouvoir que l’existence leur donnait n’étaient pas insensibles à l’annonce d’un « sauveur » ; on pensera par exemple aux chefs Francs de jadis qui entraient en conversion ou se montraient généreux pour les monastères.

On était encore loin du sapin de Noël et des quelques rares lumières qui l’ornaient, il y a deux ou trois siècles!

Lumière sur une question existentielle

La question existentielle de l’être humain, celle du « pourquoi » de notre présence sur la Terre et sur le devenir du monde, semble être demeurée sensiblement la même à travers les âges et les religions. Noël peut-il apporter une réponse, un réconfort, mais aussi une… lumière ? En somme, la fête peut-elle ouvrir une perspective ?

Et quel Noël convient-il de faire nôtre ? Celui de l’inflation des lumières, ou celui de la petite lumière enfouie dans les édifices apparemment « bétonnés » (au sens figuré du terme !!) de nos vies et du monde ? N’avons-nous pas à faire le parcours intellectuel que firent les premières générations de chrétiens, lorsqu’ils passèrent de l’attente d’un royaume concret pour Israël à la conscience d’une présence divine, passant ainsi du message de Jésus annonçant la proximité d’un Royaume au message au sujet de Jésus. Qui est-il pour nous, au-delà de l’échec de son projet marqué par Golgotha ; en quoi nous aide-t-il à vivre ?

L’évolution du « Noël » des évangiles

On sait aujourd’hui que la fête de la naissance de Jésus, commémoration d’un événement passé, n’était absolument pas la première préoccupation des adeptes du Jésus historique. Jusqu’au moment où il fallut prouver l’ancrage divin de celui autour duquel s’esquissait et sur lequel allait bientôt se fonder, sans doute malgré lui, une nouvelle religion : celle de Jésus, le prophète de Nazareth, le messie-roi, dont on espérait que l’échec ne serait que provisoire, celui auquel on donnera même le titre divin de « seigneur » dans certaines Églises dès le premier siècle.

Les détails relatifs à la naissance de Jésus étaient absents des proclamations des Églises des premiers temps et de leurs pratiques liturgiques. Ce n’est qu’une cinquantaine d’années après le « ministère » de Jésus que l’on s’est interrogé à ce sujet. Les renseignements historiques sur l’événement semblent avoir été complètement estompés à ce moment-là, si jamais quelqu’un, en dehors de la famille de Jésus, avait eu le souci de les communiquer à la postérité.

Matthieu et Luc témoignent de ce questionnement. Jean aussi, à sa manière. Alors que l’évangile selon Marc voit en Jésus un homme comme les autres que Dieu choisit pour une mission particulière (le « récit » du baptême en Marc 1 le montre bien), Matthieu (ch. 1) et Luc (ch. 1) font remonter l’intervention divine dès avant la naissance de Jésus. À l’interrogation répond la confession des Églises : Dieu est présent en Jésus. Et de la confession de foi, la tradition postérieure va faire quasiment un événement « historique », comme si Dieu lui-même avait engendré Jésus ! Un peu plus tard vers la fin du premier siècle et dans le milieu différent que fut celui de l’évan-gile selon Jean, il est affirmé au sujet de « celui qui devait venir » qu’il participe de l’intimité même de Dieu – le « verbe » (logos en grec) était avec Dieu, il est même Dieu.

Lumière divine dans nos vies ?

Noël fournit donc une bonne occasion pour poser ou reposer la question du sens de notre existence. Dieu y est-il présent, comme il l’a été en Jésus, ou en d’autres ? Cette lumière divine, n’a-t-elle pas été toujours dans le monde ? Où la chercherons-nous, sinon dans la vie, notre vie, la vie d’un chacun ? Cette présence de Dieu n’est-elle pas là, dès lors que la vie paraît ?

Comme le confessent les évangélistes Matthieu et Luc à leur manière, en utilisant le symbole de l’Esprit Saint, Dieu est en l’homme Jésus. Il est en Marie, la douce porteuse de la vie en gestation. Il est en l’homme souffle de vie. Il est en l’homme lorsque celui-ci reconnaît en lui cette force venue d’ailleurs.

La présence qui ouvre une perspective.

L’Adoration des Mages, manuscrit fait à Liège xie siècle. Bibliothèque de Bamberg (Allemagne) D.R. Reproduit dans le magnifique ouvrage de Madeleine Félix, Le Livre des Mages, Paris Desclée de Brouwer, 2000

Ceux qui, dans l’Église ancienne, chantent l’hymne devenu le « magnificat » (Lc 1,46-53) et le mettent dans la bouche de Marie, célèbrent Dieu qui rejoint justement l’être humain dans sa chair, dans sa substance d’être terrestre, fini, fait de glèbe, pour lui donner une perspective. S’ouvrir au message de l’Évangile consiste à repérer en Jésus l’étincelle divine qui s’y trouve. Ce faisant, nous nous y regardons comme dans un miroir : Jésus nous renvoie à l’étincelle divine en nous. Et, en même temps, il nous invite à prendre conscience de la destinée divine de chaque humain.

L’humanité, comme notre vie propre, prend alors le visage d’une réalité en devenir.

Marie, la contemplative, devient prophète de Dieu ! De porteuse d’enfant, elle devient la porteuse du message d’espérance qui inclut la justice et la dignité humaines.

Ainsi la conscience de la présence de Dieu prolonge notre destinée brute. Celui ou celle qui reçoit Dieu comme Marie le reçoit, s’il chante la louange, ne pourra pas en rester là : il lui faudra s’impliquer, se risquer, s’engager.

Comme Marie, comme Jésus et comme tant d’au-tres, saisissons le flambeau de ceux qui croient en un monde ouvert sur un avenir dont la construction nous incombe, ceux qui croient qu’en la plus sombre réalité, l’étincelle peut jaillir. feuille

 

Ernest Winstein

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