Ce mot n’évoque-t-il
pas par excellence ce que récusent les protestants unanimes,
à savoir une célébration où les catholiques
romains voient le cœur de notre vie et dont le centre culmine dans
un sacrifice ? Le sommet de la messe réside alors dans une transsubstantiation
selon laquelle le prêtre pourrait (et lui seul) transformer le
pain et le vin de la cène en vrai corps et vrai sang de Jésus-Christ.
Pourquoi réhabiliter un tel terme ? N’oublions pas qu’il
a survécu à la Réforme pour désigner parfois
le culte, et cela plus particulièrement chez les luthériens,
voire certains anglicans. On parle encore, par exemple, de la messe
de Luther. Mais cela ne suffit pas pour voir des réformés
prendre sa défense.
Il faut revenir à l’étymologie. Messe
provient probablement du latin dimissio, qui désigne la dislocation
d’une assemblée et surtout son renvoi. Dans di-missio, il
y a ainsi l’idée d’une mission. Le culte, en effet,
ne saurait se clore, se fermer sur lui-même. Il a bel et bien
une dimension missionnaire. Son envoi final, avant la bénédiction,
nous invite ainsi à vivre notre foi dans le monde sans opérer
une coupure artificielle entre l’Église et la société,
la liturgie et la diaconie, le service divin et le service humain. Le
culte a véritablement un sens : il nous oriente vers les autres.
Préparation à la vie chrétienne et source, il ne
saurait être un aboutissement. Le mot messe bien compris m’aide
ainsi à répondre à la question « quel est
le but de ma vie ? » Ni un idéal lointain, ni un Dieu inaccessible,
c’est l’autre. Messe ? N’est-il pas significatif que
l’on ait ainsi désigné le culte tout entier par ce
qui, apparemment, lui met fin ? Le culte vit par son… au-delà.

Laurent
Gagnebin