On parle le plus souvent
de la liberté de la foi pour défendre celle des croyances
et promouvoir un esprit de tolérance. Les doctrines sont en effet
pour l’homme une manière fragile et relative de dire Dieu
; elles ne sont pas pour Dieu une manière intangible et absolue
de se dire à l’homme. Il ne s’agit donc pas d’imposer
comme obligatoires des dogmes, parfois lourdement humains, et toujours
marqués par des contextes historiques particuliers qui en indiquent
le caractère contingent. J’aime que Nicolas Berdiaeff ait
parlé de la phobie des hérésies en demandant que
Dieu « nous préserve de cette obsession qui joue, hélas,
un trop grand rôle dans l’histoire du christianisme et dont
il est si difficile de se libérer ».
Mais il y a une autre façon d’entendre la
liberté de la foi. Nous pouvons très bien vivre, et même
vivre très bien, sans la foi, sans aucune religion et sans Dieu.
La foi n’est pas de l’ordre d’une contrainte indispensable
à notre existence. On trouve en elle une gratuité qui
n’est pas sans ressemblance avec celle qui caractérise les
arts. On peut se passer d’elle et d’eux. Affirmer que l’on
a besoin de Dieu, comme on a besoin de manger et de boire pour survivre,
c’est peut-être déjà réduire la foi
à une nécessité et soumettre Dieu à notre
utilité. La liberté n’est-elle pas la marque fondamentale
de la foi ? Rien ni personne ne pourront jamais nous l’imposer.
Croire est une des plus belles prérogatives de l’homme libre.
Je suis libre de croire et je crois pour être libre. Telle est
la véritable liberté de la foi. Est-il si étonnant
alors que les croyants et les artistes authentiques soient parmi les
premières victimes de tyrannies religieuses ou politiques ? 
Laurent
Gagnebin