Merci de nous recevoir, Monsieur,
en dépit de votre emploi du temps que nous savons très
chargé.
Je vous en prie, je suis heureux de vous répondre.
Notre question sera directe : «
Êtes-vous chrétien ? »
Je pense que je le suis, très profondément.
Vous êtes donc membre d’une Église,
protestante sans doute ?
Là, je ne peux répondre simplement. Bien
sûr je suis protestant par mon éducation, j’ai reçu
le baptême (à 14 ans) et j’ai participé souvent
à la sainte cène. Je cotise à la cultuelle de mon
secteur. Je me sens heureux avec les protestants dont j’aime la
foncière honnêteté et la pudeur des sentiments.
Mais assister à un « culte » protestant m’est
devenu insupportable et je m’irrite d’entendre réciter
le « credo » qui n’est pas du tout le mien.
C’est donc un protestantisme
particulier que le vôtre ! Ainsi vous ne partagez pas la foi de
vos pères ?
Est-ce un reproche ? Je ne pense pourtant pas offenser
ceux qui m’ont transmis la foi en n’épousant pas le
dogme qu’ils ont, dit-on, professé. Je ne suis d’ailleurs
pas certain que tous y aient adhéré. Et si, lors des persécutions,
ils se sont battus, je crois que c’était bien plus pour
défendre leur liberté de conscience, que pour s’opposer
aux affirmations péremptoires de l’Église romaine
sur tel ou tel point du dogme, comme, par exemple, la « transsubstantiation
». Je crois que leur foi ne se préoccupait pas de ces schémas
théologiques.
Mais Luther, les Épîtres
de Paul, le salut par la foi ?
Je suis plein d’admiration pour les deux grandes
figures que vous venez de citer. Ces hommes ont été courageux
et convaincus. Ils ont fait profondément évoluer la société
de leur époque qui en avait bien besoin. Est-ce à dire
que les bases théologiques dans lesquelles ils ont enfermé
Dieu et la notion de « salut » nous interpellent encore
aujourd’hui ? En tout cas, pas moi. J’admets donc que ma foi
n’est plus « orthodoxe ».
Vous croyez en Dieu, vous vous
dites chrétien, et vous ne voulez pas des notions fondamentales
qui définissent le christianisme !
Qu’est ce qui « définit » le
christianisme ? Ce n’est certainement pas, à mes yeux, la
croyance en ces « notions fondamentales ». Non, le christianisme
auquel je serais heureux d’appartenir serait celui qui s’en
tiendrait aux paroles de Jésus, simples mais tellement profondes,
et « ferait la volonté du Père ».
Il m’apparaît bien vain de se préoccuper
de la nature humaine ou divine de Jésus, de savoir s’il
est « préexistant » de toute éternité.
Il est pour moi choquant et contraire à ses enseignements de
mettre Jésus à la place de Dieu dans toutes les prières
chrétiennes, alors que, pendant tout son ministère, il
s’est placé avec respect sous l’autorité divine.
Et je reste persuadé que l’étrange notion de Trinité,
objet de tant de controverses et de scissions, est basée sur
des textes inventés ou mal compris et, en tout cas, qu’elle
n’est nullement indispensable pour se conformer aux enseignements
de Jésus. Oh, qu’ils sont tristes ces conciles définissant
les dogmes et permettant de jeter l’anathème ! Qu’elle
est juste la parole de Jésus « Ne jugez pas, afin de n’être
pas jugés » !
Et même, lorsqu’il dit à Philippe «
Qui m’a vu a vu le Père », comme il est simple de
penser qu’il signifie par là que, par son obéissance
totale au Père, il en est l’image vraie. Il est venu le
« faire connaître », faire savoir que Dieu est Amour
et nous demande de nous aimer en dépit de tout, de comprendre
sa loi d’amour. Et la première Épître de Jean
éclaire bien cette idée qu’est venu vivre, concrétiser,
montrer Jésus : « Bien-Aimés, aimons-nous les uns
les au-tres, car l’amour vient de Dieu et quiconque aime est né
de Dieu et connaît Dieu. » (1 Jn 4,7)
Voilà un point essentiel de ma foi, cher Monsieur,
mais surtout, gardez intacte la vôtre si elle vous convient mieux
.
Jacques
Couton