Depuis 1989, et l’affaire
des foulards de Creil, le débat sur les liens qu’il devrait
y avoir entre l’Église et l’État est à
nouveau ravivé. Plusieurs articles, colloques, débats
ont permis à chacun de faire valoir son point de vue sur la laïcité
dans l’espace public, et sur la loi de séparation des Églises
et de l’État du 9 Décembre 1905. Nombreux sont ceux
qui à cette occasion ont exprimé de façon plus
ou moins vigoureuse leur désir de voir «évoluer»
cette loi. Jean Arnold de Clermont parle de «toilettage»
dans le «Monde» du 18 Janvier 2003; Jean Baubérot
fait paraître Vers un nouveau pacte laïque en 1990 laissant
entendre, rien que par le titre, que la loi de 1905 pouvait se négocier.
Il est le seul à s’être abstenu lors du vote final
sur le rapport de la commission Stasi mise en place par le président
de la République et dont le but était d’affermir
la loi. Le dernier chapitre de son livre paru en Septembre 2004: «Laïcité
1905-2005, entre passion et raison» est extrêmement sévère
à l’égard du travail de cette commission. Enfin,
Nicolas Sarkozy a dernièrement confirmé cette volonté
de changement.
Parmi les principaux reproches entendus il y a celui,
assez courant, que les temps ont changé, que la loi a 100 ans,
qu’elle est ringarde… La parole de Jésus, il y a presque
2000 ans: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même»,
est-elle ringarde aujourd’hui? Le premier des articles de la déclaration
des droits de l’Homme et du citoyen de 1789: «les hommes
naissent libres et égaux en droit» est-il ringard? Faut-il
renégocier ces principes?
L’égalité surpasse la tolérance
Autre reproche: il faut être tolérant. Soit,
mais dans la tolérance il y a un rapport de force entre le tolérant
et le toléré. Lorsque le tolérant en a assez de
tolérer, le toléré n’a plus qu’à
s’incliner, à partir où à se cacher, les protestants
le savent trop bien: Henri IV leur accorde l’Édit de Nantes,
Louis XIV le révoque, Louis XVI signe l’Édit de tolérance.
Dans la loi de 1905, toutes les religions sont sur un pied d’égalité,
plus de tolérance pour les uns et de privilèges pour les
autres, chacun est libre de croire ou de ne pas croire, d’adorer
son Dieu en toute liberté pourvu qu’il ne nuise pas à
autrui. Égalité, Liberté, deux grands principes
sur lesquels est fondée notre République. Cette tolérance
doit s’appliquer aux musulmans. Mais je ne veux pas les tolérer,
je veux qu’ils soient considérés comme les protestants,
les juifs ou les catholiques, avec les mêmes droits, la même
loi, je veux qu’ils soient mes égaux. Leur réaction
dans l’affaire des otages français en Irak nous a montré
combien ils avaient compris la grandeur de cette loi et étaient
attachés à son respect.
L’article le plus connu de la loi de 1905 est l’article
2: «La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne
subventionne aucun culte.» L’article 1 est souvent oublié:
«La République assure la liberté de conscience.»
Quant aux articles 31 et 32, ils sont complètement ignorés,
pourtant quelle modernité! Article 31: «Sont punis de la
peine d’amende prévue pour les contraventions de la classe
5 et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de
l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de
fait, violence ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre
de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne,
sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à
exercer ou à s’abste-nir d’exercer un culte, à
faire partie ou à cesser de faire partie d’une association
cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer
aux frais d’un culte.» Article 32: «Seront punis des
mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé
ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou des
désordres causés dans le local servant à ces exercices.»
Croyants de toute religion, athées, agnostiques,
protégés par une même loi, citoyens réunis
autour des mêmes idéaux d’égalité et
de liberté, voilà ce que nous fait vivre la loi de 1905,
voilà pourquoi je n’ai pas envie qu’elle soit toilettée
ou négociée.
Sylvie
Rachet