Debout les mots nous demande Michel Leplay
(Évangile et liberté n°187) pour permettre le
jaillissement de lEsprit à travers la lecture rituelle
du texte biblique. Bien entendu, comme les enfants qui aiment la
répétition dun conte, je suis sensible à
la traduction mémorisée de bien des textes de Segond,
ce refrain connu de loreille et du cur. Mais en même
temps, je suis alerté par une nouvelle traduction, une interprétation
qui donne un sens neuf au message
pour mieux savourer, comprendre
ce que veut signifier lauteur (traducteur-traître) de
la Parole inspirée.
Il mest arrivé de faire un compliment
ambigu à un pasteur, à lissue dun sermon
interprétant un texte biblique:
Jai beaucoup aimé la façon dont
tu as lu le texte du jour
Merci me dit-il avec une discrète
fierté reconnaissante. Mais le texte est devenu, pour moi,
si riche de sens, que je nai pu écouter ton commentaire!
(il était trop tard pour rattraper cette bévue). Cela
voulait dire que la Parole, lue avec conviction, évoquait tant
dimages et didées quil nétait
pas utile den rajouter. Le même pasteur ne ma-t-il
pas raconté son étonnement, lorsquà la
fin dun service ordinaire, une dame inconnue vint lui dire:
Est-ce pour moi que vous avez parlé pendant le culte?
Jai eu la sensation que jétais directement
concernée par votre message!
Étrange action de lEsprit qui utilise
les mots incertains ou ordinaires dun ministre, et sa foi sincère,
pour donner valeur à une attente ignorée. LEsprit
souffle où il veut librement, et surtout quand il répond
à un besoin, une angoisse.
Les aumôniers et visiteurs de prisons et hôpitaux
expérimentent cette puissance dune Parole venue dailleurs,
qui agit avec une force vitale, auprès des solitaires et des
souffrants. Cette dame comateuse, dont les doigts grattent déjà
le drap dans sa semi-conscience, je lui prends la main inerte et lui
récite le psaume 23; elle serre alors la mienne, son visage
sapaise; elle répond à sa façon à
la dernière prière quelle entend avant de rejoindre
son Seigneur: «dans la vallée de lombre de la mort,
je ne crains aucun mal
» Cest le passage de lécrit
inerte à loralité dun intermédiaire
qui donne force aux mots. Il faut un inter-locuteur qui transmette
lumière et sens au Verbe, lors de lultime résurgence
de la vie essoufflée, avant le jaillissement de la nouvelle
existence dun ailleurs apaisé.
Jacques Perrier, La Calmette