... issu du Désert.
Le libéralisme
est une des formes d’expression chrétienne traditionnelle
dans le protestantisme français. À la fin de la période
dite « du Désert », quand les huguenots reçurent
le soutien des philosophes des Lumières (par exemple lors de
l’affaire Calas), la compréhension du peuple protestant
français s’en trouva évidemment infléchie.
Mais l’évolution parut naturelle. Après la Révolution
française, les pasteurs réformés étaient
tous libéraux. Antoine Court de Gébelin et Jean-Paul Rabaut,
dit Saint-Étienne, respectivement fils des deux « Apôtres
du Désert » Antoine Court (réorganisateur du protestantisme
français) et Paul Rabaut (défenseur de Marie Durand),
furent les figures de ce pré ou premier libéralisme qui
n’en était pas moins radical. Les Réformés
français se sentaient tournés vers l’avenir, à
l’avant garde de la société humaine qu’ils désiraient
faire progresser. Rabaut Saint-Étienne fut un des rédacteurs
de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, et
Court de Gébelin un des premiers orientalistes français.
Ils pensaient leur christianisme comme ouvert au monde, reçu
de la nature et tourné vers la civilisation... et critique !
La critique étant nécessaire comme issue du libre examen.
Pour eux, séparer la foi de la raison serait apparu comme une
tentative obscurantiste, une réaction malheureuse, un retour
en arrière. Au XIXe siècle les protestants français
-cherchaient à être tous « libéraux »,
par esprit républicain, et en même temps « rationalistes
», par refus de la superstition.
… toujours présent.
L’Église protestante est tout autant issue
du « Resister » de la Tour de Constance, de la critique
biblique, et des Lumières, que des Réformes et pré-réformes.
Être protestant, selon l’optique libérale, c’est
associer la vie à l’Histoire, comprendre son identité
comme large ou multiple, la Révélation comme liée
à l’étude, et la foi à la liberté.
Grande fut la surprise des premiers libéraux de
se trouver confrontés, au milieu du XIXe siècle, parallèlement
à la recatholicisation de la France, à un autre type de
protestantisme (venu de Genève ? ou d’Angleterre ?) qui
préconisait le retour aux confessions du XVIe (l’Auto-rité
!), le retour aux Réfor-ma-teurs (les catholiques réhabilitaient,
eux, les Saints fondateurs d’Ordres du Moyen Âge). Jus-qu’alors
nous pensions notre identité comme mouvante et progressive. Il
est vrai pourtant que les frontières ne furent pas toujours étanches
entre le vieux libéralisme et les orthodoxies du Réveil.
Nombre de libéraux redécouvrirent aussi la Réforme
du XVIe siècle et expérimentèrent aussi le renouveau
religieux comme sentiment bénéfique de dépendance
spirituelle, mais avec moins d’entrain que les premiers «
born again » amateurs de paradoxes et d’étrangetés
!
… encore vivant aujourd’hui !
Le libéralisme protestant fut relégué
aux oubliettes lors des modes ecclésiastiques successives : calvinistes
ou luthériennes, politiques ou charismatiques au XXe siècle…
Se prétendre libéral devenait quelque chose
de décalé, de marginal, voire de suspect.
Pourtant, en deçà des clivages idéologiques
et malgré les modes (qui se démodent), le protestantisme
permet et suscite encore le/les libéralisme(s), la/les nuance(s),
la/les prise(s) de distance(s).
À l’heure des intégrismes affolants
et des sectes bizarroïdes, le peu manipulateur protestantisme libéral
(ou libéralisme protestant) réinvente sa particularité
avec un certain flou assumé.
Une orientation qui lui permet de rester faillible, incertain,
curieux, universaliste, et disciple (par grâce) : pré ou
post-chrétien ! 
Michel
Jas