Harassant, ce constant
besoin de se justifier de croire en Dieu ! Et de dire pourquoi la foi,
et en quel Dieu, et de quelle manière…
Éprouvante, cette recherche de la prédication
toujours plus performante qui serait capable à elle seule de
rendre Dieu crédible et la foi évidente.
Fatigante, cette épreuve du témoignage qui
nous oblige à dire haut et fort ce qui est pour chacun si intime
et si personnel.
L’impératif est à la communication,
à la belle plume et au verbe haut, qui sauront transmettre l’essentiel
de Dieu, de la vie, et de chacun. Le rêve et le fantasme de la
phrase magique, du sésame ouvre-toi de la foi ! Mais quelles
folles prétentions que tout cela !
Les publicistes de l’Évangile et les petits
avocats du Christ que nous sommes parfois devraient se souvenir que
la foi ne se gagne pas au terme d’un raisonnement, qu’elle
ne se transmet pas en héritage même si nous pouvons aussi
croire dans la fidélité d’une tradition donnée,
que Dieu est Dieu précisément parce qu’il excède
toute logique, tout calcul, toute compréhension. Si tel était
le cas, la foi serait une doctrine à signer, la conséquence
d’une preuve, brisant cette si belle liberté qui est nôtre
de croire en Dieu ou de ne pas croire en lui.
Croire, c’est toujours croire malgré toutes
les bonnes raisons de ne pas croire, laisser place à l’incroyable,
comme à l’inattendu d’un amour, d’une paix, d’une
guérison. Même si la foi ne saurait être absurde,
même si croire c’est toujours aussi comprendre, même
si la foi appelle un usage exigeant de la raison et peut même
être motivée par celui-ci, croire ne revient jamais à
céder à la Bourse des calculs et au règne des évidences.
Comme certains goûts, certaines valeurs, certains sentiments,
la foi ne s’explique pas et ne se discute pas vraiment. Il faut
parler certes, raconter, donner du sens, mais tout en sachant que l’essentiel
nous échappera toujours. On croit en Dieu, comme on aime un être
cher, ou une couleur particulière, sans toujours savoir vraiment
pourquoi. Et c’est très bien ainsi. 
Raphaël
Picon